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Hannah Arendt 'LA CRISE DE LA CULTURE'

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Hannah Arendt

"LA CRISE DE LA CULTURE"



"un bon poème est un bon poème, fut-ce une ode à Staline"

"derrière la politiques des régimes totalitaires, se cache un concept entièrement nouveau, celui du pouvoir"

"la cité est fondamentalement périssable ; sa survie ne dépend que de nous"

"toute cette fureur porte sur des faits, mais pas sur des théories ou des idées"

Biographie

Hannah Arendt ou la vie d'une juive allemande

·   &n 21321f517v bsp;    Née en Allemagne en 1906, Hannah n'était qu'une enfant lorsque son père meurt. ingénieur de formation, il avait étudié avec passion les auteurs classiques Grecs et Latins. Sa mère pratiquait le français et la musique, tous deux étaient persuadés de la nécessité d'éduquer les jeunes filles

    • De 1924 à 1929 elle suit des études secondaires, durant lesquelles elle montre une précocité extrême en philosophie, puis elle effectue ses études supérieures. Elle est successivement élève de Husserl, de Heidegger et de Jaspers. Sous sa direction elle soutient son doctorat sur "le concept d'amour chez Saint Augustin".
    • De 1929 à 1931 naît à travers d'évènements douloureux chez cette jeune femme, la conscience de son identité juive. Elle est arrêtée par la Gestapo. Elle en réchappera miraculeusement. Suivent d'amères déceptions relatives à l'attitude de nombreux amis, en particulier, celui qui demeurera jusqu'à la fin de sa vie son maître et son amant, Martin Heidegger.
    • De 1931 à 1939 Elle réside à Paris. Au contact d'intellectuels de l'époque, Sartre, Raymond Aron, Stéphan Zweig, Bertolt Brecht, elle milite dans des organisations sionistes et facilite le départ vers la Palestine de nombreuses personnes. Après des séjours dans les kibboutz, elle revient émerveillée mais préoccupée par l'aveuglement des sionistes vis à vis de la question arabe. Elle rencontre à Paris Heinrich Blücher qui deviendra quelques années plus tard son second mari, il sera le révélateur de sa passion pour la philosophie politique.
    • De 1940 à 1945. Elle fuit le régime de Vichy après avoir été internée quelques semaines suite à la rafle du "Vel' d'Hiv", elle émigre au Etats Unis avec sa mère et son mari. A la faveur des connaissances qu'elle avait acquises sur le comportement de la Droite française, elle publie une étude sur L'Affaire Dreyfus. C'est dans cette période qu'elle s'interroge, rédige de nombreux articles et propose d'autres solutions que la création d'un état juif excluant les arabes. Dès 1943 elle a connaissance avec Blücher de "la solution finale" à laquelle elle ne veut pas croire.
    • De1945 à 1948 elle travaille à ses premiers ouvrages fondamentaux dont "L'origine du totalitarisme", dirige la commission pour la renaissance de la culture juive en Europe et travaille au côté des existentialistes.
    • 1948 marque un tournant dans sa vie car elle retourne en Europe sans cacher sa joie d'entendre de nouveau parler la langue allemande. Elle retrouve Heidegger qu'elle n'abandonnera jamais malgré l'engagement momentané de celui-ci au côté des nazis.
    • A partir de 1951 elle est déclarée citoyenne américaine et publie les origines du totalitarisme, ouvrage passionné où elle tente de savoir "ce qui s'était passé, pourquoi cela s'était passé et comment cela avait-il pu se passer". Elle y démontre le caractère inédit du phénomène totalitaire, révélation d'un mal absolu dont la cause tient dans l'existence de crimes non punissables autant qu'impardonnables.
    • 1952 marque l'année de sa rupture avec la politique de l'état hébreux, suite aux massacres de Kybia.
    • De 1953 à 1958 elle donne de nombreuses conférences dans les plus prestigieuses universités qui seront reprises dans des ouvrages comme "la crise de la culture", "la condition de l'homme moderne" et "l'essai sur la révolution". Elle critique au cours de ces années à la fois le Marxisme et la société américaine qui favorisent les écarts entre la pauvreté des uns et la richesse des autres.
    • De 1958 à 1961 outre de nombreuses interventions à l'Université de Berkeley dont elle ne conserve que l'idée douloureuse de l'obligation de parler 5 fois par semaine devant un public. Elle publie de nombreux ouvrages regroupés maintenant dans l'introduction de la "condition de l'homme moderne" ainsi que des essais sur la pensée de Tocqueville, "toute époque moderne demande une nouvelle politique". C'est au cours de ces années qu'elle achève, "La condition de l'homme moderne" qui interroge l'ouvre le travail et l'action puis l'ouvrage intitulé: "La vie d'une juive allemande" commencé dès 1928.
    • En 1961 elle demande à couvrir, pour un journal new yorkais, le procès d'Adolf Eichmann. Le récit de ce procès donne naissance à un livre très controversé :"un procès à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal". Elle expose dans cet ouvrage des idées personnelles sur la responsabilité des bourreaux et des victimes, sur la responsabilité des comités juifs. Elle déclare par exemple : "Eichmann n'est pas un Richard III, il ne lui serait jamais venu à l'idée de faire le mal par principe". Elle affirme que son seul crime est de ne pas avoir pensé qu'il faisait le mal et que, dans un monde privé de repères, bien des hommes sont dans l'incapacité de distinguer le bien du mal. Ces écrits déclenchent des réactions d'une rare violence de la part de la communauté juive internationale. Accusée par certains d'avoir des faiblesses pour des nazis (rejaillit alors à la surface sa liaison avec Heidegger), elle est victime d'une véritable cabale internationale. Pour celle qui déclare quelques années plus tard que "toute catastrophe liée à l'état d'Israël m'affecterait plus que tout au monde", l'incompréhension aveugle dont elle fait l'objet la marque jusqu'à la fin de sa vie. La complexité de sa pensée rend simple toute interprétation politiquement facile. Beaucoup de ses détracteurs trouvent dans cette simplification une méthode efficace pour réduire celle qui fut l'analyste majeure de la pensée politique de notre siècle au rang d'exégète d'une pensée politique romantique.
    • En 1968 elle publie "la crise de la culture", huit exercices de pensée politique dédiés à son maître Blücher dans lesquels elle se demande:"comment penser dans la brèche laissée par la disparition de la tradition entre le passé et le futur".
    • De 1968 à 1975 outre de nombreuses conférences, elle publie des articles sur l'analyse de la pensée politique, sur Emmanuel Kant dans sa "critique de la façon de juger". Elle ne terminera jamais son dernier livre majeur,"La vie de l'esprit" dont le titre traduit bien les orientations nouvelles de sa pensée vers une analyse plus approfondie de la métaphysique domaine privilégié des philosophes. Elle meurt en 1975 une année avant son maître Heidegger.

Principaux ouvrages

·   &n 21321f517v bsp;    Les origines du totalitarisme

·   &n 21321f517v bsp;    La crise de la Culture

·   &n 21321f517v bsp;    1958 La condition de l'Homme Moderne

·   &n 21321f517v bsp;    Eichmann à Jérusalem

·   &n 21321f517v bsp;    L'essai sur la révolution

·   &n 21321f517v bsp;    La vie de l'esprit

Postulats et hypothèses

"Notre héritage n'est précédé d'aucun testament"


La brèche entre Passé et Futur

Cette citation de René Char destinée à figurer le gouffre qui s'ouvre sous les pieds de tous les peuples après la deuxième guerre mondiale, éclaire la pensée générale de l'auteur dans "La crise de la Culture" .

Dans cet ouvrage, elle explique cette absence de "testament". J'écrirais, pour tenter d'élucider cette métaphore, qu'elle analyse une situation qui se définirait :"en rupture avec la tradition".

Elle traduit cette idée dans 3 questions importantes qu'elle reporte sur l'idée politique de définition du rôle du l'homme et du philosophe dans la vie de la cité.
- qui choisit et nomme
- qui transmet et conserve
- qui indique où sont les trésors et quelle est leur valeur

Dans l'étude des différences fondamentales de la perception du rôle politique de l'homme dans la "Polis" ou "cité" transmises par les philosophes Grecs et Romains, elle questionne les champs de la métaphysique classique à travers l'Histoire.

Il semble qu'aucune continuité dans le temps ne soit proposée et donc qu'il n'y ait humainement parlant ni passé ni futur. Elle parle du développement biologique de l'être humain et avec lui du devenir éternel du monde et des êtres vivants.

C'est dans cette étude qu'Hanna Arendt tente de réécrire l'histoire intellectuelle de notre siècle non comme celle de générations successives dans laquelle l'historien respecte à la lettre l'enchaînement des théories et des attitudes, mais comme la biographie d'une personne singulière.

Pour l'auteur, les huit essais sont des exercices, leur but est d'acquérir de l'expérience en "comment penser". Ils ne contiennent pas de prescriptions sur ce qu'il faut penser ou dans les vérités qu'il convient d'affirmer. Il ne s'agit surtout pas pour l'auteur de renouer le fil rompu de la tradition ou d'inventer quelque succédané ultramoderne destiné à combler la brèche entre le passé et le futur. Tout au long de ces exercices, le poids de la vérité est laissé en suspens; on se préoccupe seulement de savoir comment se mouvoir dans une telle brèche. Il s'agit de trouver la seule région où la vérité pourra apparaître un jour. Ces exercices se meuvent entre le passé le futur. Ils contiennent une part de critique comme une part d'expérimentation. Les expériences citées ne visent pas à dessiner une sorte de futur utopique, sa critique du passé et du concept traditionnel d'histoire politique, ne cherche à rien à détruire. Les quatre premiers chapitres sont plus critiques qu'expérimentaux et les autres plus expérimentaux que critique.

Elle nous explique comment le "trésor" n'a pas été perdu à cause des circonstances historiques et de la malchance. Aucune tradition n'avait prévu sa venue, sa réalité, aucun testament n'avait légué sa réalité à l'avenir.

La "perte" inévitable en terme politique, fut consommée par l'oubli, par un défaut de mémoire qui atteint tout à la fois les héritiers, les acteurs et les témoins. Ceux qui "avaient tenus le trésor dans leur mains", ceux qui avaient vécu tous ces instants.

Les ressources du cadre

Le souvenir n'est qu'une modalité de la pensée. Il est sans ressource hors d'un cadre de références préétabli et l'esprit humain n'est qu'en de très rares occasions, capable de retenir quelque chose qui ne soit relié à rien. Ainsi les premiers qui oublient sont ceux qui ont possédé "le trésor" sans le reconnaître, sans lui donner un nom. Sur le moment ils ne sont pas tourmentés, connaissant assez bien le sens de ce qu'ils font, mais que dire après :

"L'action qui a un sens pour les vivants, n'a de valeur que pour les morts et d'achèvement que dans les consciences qui en héritent et la questionnent".

La tragédie commença quand, après la "Libération" du pays, il n'y avait plus aucune conscience pour hériter, questionner, méditer et se souvenir.

Transmettre le sens

Tout événement doit avoir dans les consciences de ceux qui racontent l'histoire, un sens après l'acte, un achèvement de la pensée.

Sans cette articulation de la pensée accomplie, il ne reste aucune histoire qui puisse être racontée.

Quelle démonstration

Un livre de pensées à l'essai

"tout ce que j'ai fait et écrit est expérimental" déclare Hannah Arendt en préambule à l'un des huit articles qui composeront plus tard la "crise de la culture". Ce livre, publié quelques années après, est un véritable "essai" d'une forme littéraire aboutie. C'est un livre d'exercice de la pensée qui pourrait contenir bien plus de questions traitées sans changer l'unité du tout.

L'unité du tout

C'est justement cette unité qui est la justification de leur rapprochement dans cette publication. Ce n'est pas un enchaînement démonstratif, c'est une succession de mouvements écrits dans une même tonalité. A l'opposition des variations Goldberg qui nous font parcourir demi-ton par demi-ton la gamme complète, elle rappelle des ouvres de Schumann aux tonalités semblables ou relatives.

Construite autour de trois thèmes :

·   &n 21321f517v bsp;    La rupture moderne de la tradition avec en sous-thème une tentative d'explication du remplacement des concepts de la métaphysique traditionnelle par celui d'histoire

·   &n 21321f517v bsp;    Les concepts d'autorité et de liberté ne sont compréhensibles que si aucune des réponses fournies par la tradition ne sont plus bonnes ni utilisables.

·   &n 21321f517v bsp;    Les quatre derniers articles sont des tentatives d'application du mode de pensée défini dans les deux premières parties. Elle n'apporte pas de solutions abouties, mais tente de clarifier les problèmes.

La disparition de la tradition

Que sont l'autorité et la Liberté quand les réponses proposées par la tradition grecque de l'activité de l'homme au sein de la "Polis" ou la tradition romaine de "la transmission des valeurs de l'origine de Rome" ne sont plus valables. Comment faut-il maintenant penser l'événement, la crise de la Culture, de l'Education, l'avènement du mensonge en politique, la conquête de l'espace ?

Penser suppose avoir le courage de le faire, affronter la pluralité de nos semblables et proposer de nouveaux commencements.

"renoncer à penser c'est renoncer à être homme"

Chaque mot est signifiant, chaque concept expliqué. S'arrêter à l'idée que suscite la première lecture, c'est se condamner à errer dans la Tradition qui repose sur l'idée romaine de répétition, de validité systématique de l'antériorité ou de simplification conceptuelle apaisante.

Résumé

Revenons à nos classiques

Les 2 premières parties du livre exigent un retour à nos classiques, Platon et Aristote. Il faut avant tout se remettre deux noms en mémoire et plus que deux noms deux ouvres

Platon

427-347 av JC. Fils d'une famille noble athénienne, à l'âge de 20 ans, il rencontre Socrate. Sous son influence, il choisit la voie de la philosophie. Pour l'un comme pour l'autre elle doit avoir une destination politique. Trois tentatives pour établir des gouvernements justes en Sicile auprès de trois tyrans, se soldent par un échec. Platon meurt à Athènes à l'âge de 80 ans. Son ouvre, constituée "de dialogues", ou art méthodique d'interroger et de répondre, est séparée en 3 parties: les dialogues de jeunesse de la maturité, de la vieillesse. Quelques-uns portent des sous-titres qui sont parvenus jusqu'à nous,
- l'apologie de Socrate,
- le banquet,
- la République,
- les lois.

Être et savoir

Qu'est-ce que savoir? C'est connaître des définitions universelles. La définition recherchée doit avoir "un objet" qui lui corresponde. Si une définition est possible, c'est que la chose définie existe. Il s'agit donc d'un savoir authentique, non changeant, éternel. C'est ce que Platon appellera "l'objet".

Dialectique de la raison et de l'amour

La connaissance est conçue par Platon comme une conversion spirituelle. On se détourne du monde sensible, (mythe de la caverne) et donc aussi du corps. Philosopher, c'est apprendre à détacher l'âme du corps. Là où le mathématicien conclut des hypothèses aux conséquences, le philosophe remonte des hypothèses vers les principes. C'est le fondement de la dialectique. Par la contemplation de l'intelligible et de la beauté, Aristote invente la dialectique de l'amour. Pour lui, on passe de la beauté des corps à celle de l'âme, de celle de l'âme à celle des conduites morales, puis aux principes absolus.

réminiscence et maïeutique

Platon pratique l'art "d'accoucher les esprits". Son interrogation vise à permettre à ses interlocuteurs de se révéler la vérité. C'est la maïeutique. Cette doctrine débouche sur une autre, la réminiscence. Il s'agit de reconnaître la vérité. L'esprit a déjà contemplé cette vérité, l'à oubliée. Elle s'est incarnée dans un accord sensible. On appelle aussi cette idée "la migration des âmes".

Morale et politique

Dans le mythe de la caverne, le but dernier du philosophe et de redescendre dans l'obscurité. Il ne doit pas vivre hors du monde sensible. Il doit s'y comporter moralement c'est-à-dire en juste. Pour Platon l'immoralité n'est pas une pratique volontaire elle n'est au fond qu'une ignorance. Il sera le premier philosophe à penser "qu'il faut éclairer l'homme pour le rendre meilleur".

Aristote

382- 324 av JC. Elève de Platon à Athènes il est appelé à la cour du roi de Macédoine pour être le précepteur du futur Alexandre le Grand. De retour à Athènes, il fonde sa propre école, "Le lycée". Il publie une ouvre immense qui sera la référence de toute la philosophie du moyen age et qui reste de nos jours la base de toute étude métaphysique.

Forme et matière

Disciple de Platon, il s'en détache surtout dans la méthode. Il donne une part importante à l'empirisme et admet que l'on peut découvrir en suivant les enseignements des expériences. Il établit une distinction importante entre "matière" et "forme". Le bloc de marbre peut devenir une sculpture en tant que bloc nous dirions aujourd'hui qu'elle est une forme virtuelle.

Inventeur de la logique

Il est l'inventeur de la logique formelle, celle dont la forme diffère du contenu à travers ses célèbres syllogismes.

La métaphysique

Regroupant des idées de Socrate, il définit la métaphysique comme une science qui étudie les premières causes et les premiers principes. Il étudie l'être en temps qu'Être et le définit dans différentes catégories, on peut ainsi le qualifier, selon sa quantité, sa qualité, sa situation .

Il nomme cette science des premiers principes "la théologie", c'est la science de l'acte pur, du divin. La métaphysique apparaît alors comme philosophie première.

La Physique

Elle est la science seconde, elle est la science du mouvement, celle qui étudie le passage de la force à l'acte. Pour Aristote, un monde imparfait est en mouvement même si celui-ci est circulaire. Il propose une cosmogonie se fondant sur l'existence d'un monde rond "lunaire" et d'un monde sublunaire. Il propose une classification des êtres vivants en fonction de la nature de l'âme, végétative (pour les plantes), sensible (pour les animaux) et rationnelle (pour les hommes).

La morale et la politique

Le propre de l'homme pour Aristote est la Vertu qui s'exerce dans sa forme la plus accomplie à l'intérieur de la Cité. L'homme est naturellement fait pour vivre en société et la vie dans la cité est supérieure à toute autre, (famille, village.). Il en vient parfois dans ses propos à considérer naturelle l'inégalité entre les sexes ou l'esclavage (qui seul permet aux Hommes de ne pas travailler afin de se consacrer à la vie de la cité). Il distingue comme Platon plusieurs formes de gouvernement, la monarchie, l'aristocratie et la république, mais contrairement à Platon il ne cherche pas à trouver un ordre préférentiel dans ces trois entités, il cherche à analyser les conditions de leur mise en ouvre et de leur maintien.

La tradition et l'âge moderne

Apparition du concept de "La Tradition"

Tout au long de cet ouvrage, nous allons rencontrer cette double notion. L'auteur en étudie à la fois les principes de développement, les évolutions et surtout les ruptures. Pour Hannah Arendt, on peut dater l'apparition du mot et du concept "de tradition" (dans la pensée politique), quand Aristote, dans "la République", nous enseigne que pour intégrer le monde élevé des pensées, de l'imagination et de la philosophie, il faut quitter l'obscurité et tout le cortège des activités liées au "vivre avec".

Karl Marx marquera la fin de cette Tradition en exprimant au contraire, que tout ce qui relève de la philosophie et de la vérité se trouve dans les affaires des hommes. Historiquement, le philosophe s'est d'abord "détourné" de toutes les "affaires politiques" pour les rejoindre avec Marx et y imposer sa présence. Dans ses idées, il veut "changer le monde" et donne naissance à un d'un champ d'intervention qui n'était absolument pas celui du philosophe.

C'est en lisant ces deux penseurs, que l'on prend conscience de la fin de la notion de tradition, de l'urgence vitale de la philosophie politique et des problèmes qu'elle pose. Dans ces deux cas, on entend, "l'accord fondamental de la philosophie politique".

La tradition et le Travail

La question du travail est centrale dans ces deux oeuvres car l'analyse de sa valeur détermine de façon opposée la vie de la cité. Chez les grecs et dans toute la philosophie de l'age moderne, il est considéré comme l'activité des "sous-hommes", les citoyens étant ceux qui ne travaillent pas, pour pouvoir s'occuper des affaires de la cité. Il faut être libéré (par l'intermédiaire des Esclaves) de ces questions. Dans la pensée de Marx la société "idéale" est celle dans laquelle l'administration des instruments et des structures du travail sera assumée par "les cuisinières" selon le mot fameux de Lénine.

Pour Marx, le philosophe rompt avec la tradition Grecque puisqu'il n'accompagne pas ne participe pas à la vie de la société, mais au contraire la transforme. C'est là que, dans les théories dites "utopiques", Marx combine ses concepts scientifiques d'approche de la philosophie politique et d'histoire. Le but de l'action historique et politique étant la transformation de la société. Pour définir l'histoire, Il utilise la métaphore de "sage femme de toute vieille société grosse d'une nouvelle". Marquant "la rupture", cette idée de renaissance, est en opposition avec tout ce que les penseurs romains avaient écrit sur "la Transmission de la tradition".

Une autre rupture s'inscrit dans la phrase:"c'est le travail qui a créé l'homme". Elle sous-entend que ce n'est pas Dieu le créateur et pour autant que l'homme existe il se produit lui-même, il est le résultat de ses propres évolutions. Ce n'est plus comme chez les grecs La Raison qui devient le laboratoire d'évolution de l'homme, mais le Travail. Rappelons nous que cette valeur était la plus méprisée de la société traditionnelle. Chez Marx, "l'animal Laborans remplace l'animal rationale".

S'il nous faut encore une preuve de cette rupture de la Tradition, regardons le rôle que Marx (qui connaissait parfaitement Platon et Aristote) donne à la Violence. Chez les Grecs le gouvernement de la Polis se faisait par la parole, l'obéissance étant obtenue par la persuasion. Chez Marx, la possession des instruments du pouvoir et de coercition, des moyens de violence, est élémentaire pour conduire les actions de transformation et les forces d'un gouvernement. L'état est l'outil d'oppression utilisé par la classe dirigeante. Dans sa philosophie, Marx énonce le principe suprême de la disparition de cet état.

La rupture du monde moderne

Tout au long de ce chapitre Hannah Arendt multiplie les exemples de rupture de la tradition extrayant des idées de Kierkegaard et de Nietzsche tout ce qui illustre cette rupture. Elle oppose théologie et épistémologie, pas simplement dans le rapport obscurantiste, néo scientiste. Elle expose les différences entre la chose révélée et la chose évolutive.

Conclusion

Dans cette première partie avec Hannah Arendt s'ouvre dans l'analyse des courants philosophiques contemporains, une voie qui insiste sur la naissance de la science moderne. Cet esprit s'exprime déjà chez Descartes dans la définition "du doute et de la défiance". C'est le premier cadre conceptuel dans lequel "la tradition" n'a plus été assurée. Il nous démontre dans son ouvre que la vision de "la Vérité" sans parole et sans action ne pouvait être maintenue.

Depuis que Galilée a démontré, que l'observation des faits, leur révélation pouvait être contestée, l'idée de la vérité comme révélation devenait douteuse. La notion de théorie "changea de camp" elle ne pouvait plus être décrite dans un système de valeurs imposées, mais dans un système démontré, après des hypothèses, une expérimentation. Il n'est plus question de révélation mais de fonctionnement.

Elle nous montre comment Marx a fondé sa théorie sur l'anastrophe de toutes les valeurs et annoncé "la révolution" dans la pensée politique. Il ne s'agissait pas de débarrasser le monde des idées Platoniciennes, mais de prendre acte de la confusion des valeurs qui n'étaient plus visibles autrement.

Le concept d'histoire

Si nous interrogeons un dictionnaire philosophique l'histoire est définie comme la science du passé. L'historien cherche à saisir les actions humaines, les faits sociaux ou politique, il les considère à travers des variables telles que le temps, le lieu ou la chronologie.

Pour éviter l'élaboration d'une histoire purement littéraire, les historiens de la fin du siècle dernier conçoivent leur science comme un modèle positiviste. Ils pensent ne dire que les faits, dans la chronologie, dépouillés de toute interprétation. Nous verrons, qu' Hannah Arendt conteste violemment cette conception de l'histoire positiviste. Elle nous démontre clairement que "l'objectivité" n'existe pas car elle est liée à la question de la personnalité et de la compréhension des phénomènes. Elle s'articule autour des actions humaines. L'histoire est une herméneutique, une science de l'interprétation.

L'histoire antique et moderne

Tout au long de ce deuxième chapitre, elle continue son travail d'introspection ainsi que la recherche des liaisons et de la rupture entre le passé et le futur. Hannah Arendt examine depuis l'Antiquité tous les grands courants de l'historiographie depuis les présocratiques. Elle tente d'expliquer en quoi l'évolution des sciences de la nature est liée à la compréhension de l'histoire, concept qui sous-entend toujours la notion d'histoire politique. Son objectif est de nous montrer combien depuis Hegel, il y a eu basculement ,voire inversion de la pensée politique et de l'analyse historique.

Histoire et nature

Chez les philosophes grecs, l'histoire servait essentiellement à sauvegarder ce qui devait son existence aux hommes en lui évitant de s'effacer dans le temps. Chez les Grecs tout ce qui relève de l'action humaine se situe hors de l'action naturelle et de celle des dieux, lesquels ne prétendent pas avoir créé le monde. Quant aux "choses", la nature n'étant pas créées par l'homme, elles sont immortelles et n'ont pas besoin de mémoire pour continuer d'exister. Elles appartiennent à la sphère de "l'Être à jamais".

Naissance de l'Histoire

Le père de l'histoire, Hérodote, va reprendre ce concept de distinction entre nature et action des hommes, mais aussi transformer la pensée, en isolant chaque action humaine. Il est le premier a décrire des batailles comme des actions isolées. Dans cette période, l'histoire et la poésie se confondent. Toutes les choses qui doivent leur existence aux hommes sont périssables. L'histoire chez les grecs est plane. C'est le moyen âge qui inventera la conception circulaire des mouvements de la société. A partir de ce moment, l'histoire est inscrite dans une conception qui la fait appartenir à la strate de la mémoire de la vie des hommes.

Une conception paradoxale

L'histoire chez les Grecs, contient un paradoxe: comment chercher la vraie grandeur humaine dans les actions et les paroles en comparaison avec les choses qui sont "à jamais".

Les hommes étaient considérés plus en tant qu'auteurs de grands faits et "diseurs de grandes paroles" que faiseurs d'ouvres. Chez les Grecs, la volonté de rester immortel entre en contradiction avec la vie courante et la participation à la "polis". Platon considère le premier que le désir de devenir célèbre, de ne pas voir périr son nom, peut être mis sur le même plan qu'avoir des enfants et donc accéder naturellement à l'immortalité.

L'histoire, une poésie

Cette première rupture établit une différence notable entre les poètes les historiens d'une part et les philosophes d'autre part. Les premiers admettent que "le renom immortel" imaginé par Platon ne peut être accordé qu'aux "choses" déjà grandes. Par cette articulation, l'histoire des hommes devient presque celle des échos de la nature. Thucydide, dans un esprit beaucoup plus sobre, pose les premières bases de l'historiographie. Il décrit les Guerres du Péloponnèse "comme le plus grand mouvement provoqué jamais connu dans l'histoire". Il commence à mettre à mal la connexion entre histoire et nature. L'histoire reçoit dans sa mémoire, des mortels qui par l'action et la parole se sont montrés dignes de la nature. En dépit de leur mortalité, ils demeureront dans la compagnie des choses qui durent à jamais.

Histoire et science moderne

Cette conception dure jusqu'aux grands mouvements contenus dans l'évolution des sciences, dans la nature de l'expérimentation et toute la transformation qui vit son apogée au XIXe siècle, en situant bien l'expérimentateur, l'historien, dans le champ même de l'observation. L'expérience comme le récit reste une question posée à la nature, la place de l'observateur est interne au processus. Le concept d'impartialité interroge les historiens et les philosophes du monde moderne. Tous les courants qui traversent cette compréhension, durent se confronter aux constants allers-retours entre les sciences de La Nature et la physique.

Contrairement à l'histoire écrite au moyen âge et à l'âge moderne, les Grecs avaient délié le concept d'objectivité historique et d'histoire. Ils ne faisaient pas reposer celui-ci sur l'analyse des victoires ou sur le chauvinisme. Il parasite les récits historiques jusqu'au XIXe siècle. L'idée Grecque que les grandes choses sont évidentes ne sera plus reprise par l'histoire moderne.

L'apport de Descartes

L'historiographie moderne ne croit plus depuis Descartes à la vérité de l'observable. L'époque moderne commence avec l'observation de l'univers et la découverte du mouvement relatif des astres et des planètes. L'homme est hanté par le soupçon. L'histoire devient "l'école du soupçon". Depuis le XVIIe siècle l'histoire se fonde sur la pensée de Copernic, Galilée. ceux-ci étant les héros qui ont remplacé Ulysse et Homère. À l'époque moderne, l'histoire n'émerge plus comme la composition des actions et des souffrances des hommes, mais elle devient un processus. Avec l'avènement de l'âge atomique, l'humain découvre qu'il peut "faire la nature" au même titre qu'il faisait histoire. Quittant le vent et la machine à vapeur utilisés jusqu'au XIXe, le philosophe et l'historien parviennent à assimiler processus naturel et processus historique. C'est encore une rencontre entre les sciences de la nature et les sciences historiques. L'invention moderne des sciences sociales peut avoir la même signification que la physique autrement dit, le recours à une "expérimentation grossière".

Histoire comme processus indépendant

Ce qui différencie l'analyse historique antique de la moderne, c'est la question du processus. Dans l'Antiquité, le fait historique, même si la cause et la conséquence sont isolées (chez Hérodote) n'appartient à aucun système. Il est rattaché aux faits par des traits d'union. il n'existe aucune force génératrice de liaison. Le processus historique qui traverse la compréhension des époques est une invention réellement moderne. On peut penser, que cette question du processus historique qui nous différencie de l'Antiquité est une invention du monde chrétien, cette notion est fausse. Chez Saint-Augustin l'idée de l'histoire est toujours "actuelle". Rien n'est intéressant, si ce n'est un "vaste inventaire". Cette analyse relie la compréhension chrétienne de l'histoire aux antiques et particulièrement aux Romains.

L'historiographie chrétienne

La conception d'un monde ayant une fin et un commencement n'amène qu'un trouble plus important dans cet ensemble de données. La datation historique ne commence pas à l'ère chrétienne. De même les Romains datent les faits historiques depuis l'avènement de Rome, les chrétiens utilisent la naissance du Christ, sans pour autant faire admettre cette origine comme début de l'histoire. Cette datation séculaire remonte au XVIIIe siècle. Avant les historiens du moyen âge utilisent un faisceau de dates pour situer les événements. Rien ne peut être plus étranger à la pensée chrétienne que le concept d'une immortalité terrestre de l'humanité. Jusqu'au XVIIIe siècle, la philosophie de l'histoire conserve la théologie et la métaphysique comme pensée centrale. Il faut attendre Hegel pour que l'histoire devienne le concept central de la métaphysique. Penser avec Hegel que la vérité réside et se révèle dans le processus temporel est la caractéristique de la conscience historique moderne.

Qu'est-ce que l'Autorité

un concept évanoui

Pour faire suite au chapitre sur la rupture avec la tradition elle remet en question la notion d'autorité comme concept fondamental de la philosophie politique. Elle nous dit que ce dernier est tellement brouillé, qu'il a pratiquement disparu. C'est au début du XXème siècle que s'effondre la conception traditionnelle de l'autorité. On peut dire qu'elle implosera. Toutes les autorités traditionnelles se sont effondrées sans que celui-ci ne soit le résultat direct du régime ou du mouvement dans lequel elle s'exerçait.

L'autorité, une définition unique ?

Il n'existe pas une définition unique de l'autorité. Il en existe de multiples que se soit chez les philosophes grecs, romains, dans le christianisme ou dans l'ouvre de Machiavel. Pour Hannah Arendt, l'un des indicateurs le plus significatif de l'extinction de l'autorité, est son arrêt dans les sphères pré-politiques comme l'éducation ou l'instruction des enfants. Le concept du rapport maître/élève et le rôle de l'éducation qui est d'assurer la continuité de la civilisation se sont éteints.

S'il fallait donner une définition

L'une des plus grandes erreurs conceptuelles est d'établir une confusion entre obéissance pouvoir et violence. Par définition l'autorité exclut l'usage de moyens extérieurs de coercition. Là où la force est employée l'autorité a échoué. Elle est incompatible avec la persuasion qui présuppose l'égalité et opère par un processus d'argumentation. Cette question sera centrale dans toute la philosophie grecque romaine et même plus tard dans les oeuvres de Saint-Augustin. Le concept d'autorité élaboré par Platon fut constamment repris par celui-ci afin de sortir de la problématique "autorité et violence".

Une crise de la religion

Pour Hannah Arendt, la disparition de l'autorité est une conséquence conjuguée de la disparition de la Tradition et de la Religion. Par Tradition il faut entendre le fil conducteur, qui nous permet de nous retrouver dans le domaine du passé. Il ne s'agit pas, d'opposer tradition et progrès. Elle établit une différence importante entre crise de la foi et crise de la religion. L'une étant la représentation séculière de l'autre. Par crise de la religion elle entend crise des croyances et des dogmes.

Pour l'auteur la question de l'autorité se pose en priorité dans les sociétés à régime autoritaire. La perte de l'autorité est surtout préjudiciable aux êtres faibles, fragiles, car ils se retrouvent sans repères en incapacité de contourner "les agents" des systèmes.

Régime autoritaire, tyrannique ou totalitaire

La compréhension de l'autorité comme d'autres notions qui relèvent de la philosophie politique, dépend du point de vue de celui qui les énonce. Dans cette partie Hannah Arendt développe à la fois ce qu'elle appelle les thèses de l'écrivain libéral (il faut entendre ce mot au sens anglo-saxon du terme) et les thèses défendues par l'écrivain ou le penseur conservateur.

Avant de parler de ces différentes approches, elle s'intéresse à la définition de trois mots, décrivant des formes de gouvernement :

·   &n 21321f517v bsp;    autoritaire

·   &n 21321f517v bsp;    tyrannique

·   &n 21321f517v bsp;    totalitaire.

Ces trois notions, sont des terminologies qui pour l'auteur font confusion dans l'esprit de la plupart des penseurs. A titre d'exemple, elle en compare les technostructures.

Elle établit que le gouvernement autoritaire pourrait s'assimiler à une pyramide chaque strate successive possédant quelque autorité mais moins que la strate supérieure. Le siège du pouvoir, se situe au sommet, le pouvoir descendant vers la base. Les références du pouvoir se situent hors de cette pyramide. La monarchie de droit divin illustre très exactement ce concept.

Quand elle parle du régime tyrannique, il est question d'un seul qui gouverne au-dessus de tous. Tous sont égaux c'est-à-dire sans pouvoir. C'est ce que Platon appelle "un loup à figure humaine".

Dans un régime totalitaire, l'image prise serait celle de l'oignon. Chaque couche est en contact avec la précédente le gouvernement étant au centre. Quoi qu'il fasse il le fait de l'intérieur non de l'extérieur comme dans un gouvernement autoritaire. Toutes les couches extraordinairement multiples de cette organisation: bureaucratie, formation, police., sont reliées entre elles et forment des couches protectrices autour du gouvernement central.

Le penseur libéral prendra la mesure d'un de ces processus au regard de la désagrégation de la liberté tandis que le conservateur prendra la mesure de celui-ci, au regard d'une régression croissante de l'autorité. Si nous essayons de regarder ces interprétations nous pouvons conclure que l'on est plutôt en présence d'un double processus de régression de la liberté et de l'autorité. L'analyse de l'autorité, d'un point de vue libéral ou conservateur, sera plus le résultat d'une oscillation violente de l'opinion que réellement un processus de pensée.

Durant quelques pages l'auteur continue à expliquer que la lecture interprétative des deux parties en présence, aboutit généralement à la même analyse finale.

L'autorité chez les Grecs

Avant de faire un développement comparatif des nuances ou des différences entre la pensée de Platon et celle d'Aristote, Hannah Arendt, nous explique que chez les Grecs le siège de l'autorité, c'est "la maison" et non la sphère politique de la Cité. Le chef de famille règne en tyran. Il n'est pas possible que les Grecs appliquent cette tyrannie à la politique. Les affaires de la cité, sont par définition, le lieu de la parole, de la liberté, elles rendent le pouvoir coercitif, incompatible avec leur propre liberté, et celle des autres. La notion de despote, est inconcevable chez les Grecs. L'ouvrage fondamental qui traite de l'autorité dans la philosophie politique, est "la République" de Platon. Le pouvoir ne réside pas dans la personne ou dans l'inégalité mais dans les idées qui sont perçues par le philosophe. Chez Platon, ce sont les philosophes qui dirigent la cité. On retrouve ces paraboles dans le chapitre central de la République, "le mythe de la Caverne" .

Dans sa philosophie politique, Aristote tente d'établir un concept d'autorité, en terme de dirigeants et de dirigés. Il est le premier penseur à introduire le concept de domination dans le maniement des affaires humaines. Pour Aristote le gouvernement de "la maison" est fondé sur une seule personne alors que celui de la cité, est par nature composé de nombreux dirigeants.

Ici apparaît le concept de domaine privé et de domaine public. La liberté dans le domaine politique commence après que toutes les nécessités élémentaires de la vie pure et simple ont été maîtrisées par la domination. De ce fait, la domination, le commandement et l'obéissance, le fait d'être dirigé et de diriger sont des conditions préliminaires à l'établissement d'un domaine public. Dans ses écrits, Aristote s'intéresse beaucoup au concept d'éducation, et au rapport qui peut exister entre autorité, direction et domination. Il faut attendre la philosophie romaine, pour prétendre qu'en toutes circonstances, les ancêtres, transmettent la pensée politique et sont l'exemple de la grandeur pour chaque génération. On voit bien que cette idée a profondément nourri l'ensemble des penseurs conservateurs.

La pensée romaine

Au cour de la pensée romaine se tient la conviction du caractère sacré de la fondation. Une fois que quelque chose a été fondé il demeure une obligation pour toutes les générations futures. Tout l'empire romain était administré de, par et comme Rome. Cette idée forme le contenu politique de la religion romaine. Ici religion signifie "re ligare" c'est-à-dire être relié en arrière. Être religieux signifiait être lié au passé. C'est dans ce contexte que le mot même d'autorité "autorictas" qui signifie "augmenter" apparaît. L'idée de "qui commande" augmente constamment. L'autorité est obtenue par transmission, par héritage. Les Romains pensent que la maturité était dirigée vers le passé. C'est dans ce contexte que le passé est sanctifié par la tradition. Nous retrouverons cette notion dans la pensée chrétienne. La source de la pensée politique romaine, la source de l'autorité, était lié à une Trinité: la religion l'autorité et la tradition.

La pensée Chrétienne

Nous retrouvons ce contexte de résistance de l'esprit romain, de solidité du principe de formation après que Rome eût chuté, quand l'héritage politique et spirituel de cet empire passe à l'église chrétienne. L'église s'adapte si parfaitement à la pensée romaine, qu'elle fait de la résurrection du Christ la pierre angulaire d'une nouvelle "Fondation". À son origine la foi chrétienne était anti politique, anticonstitutionnelle. C'est Constantin Le Grand qui fait appel à elle pour assurer à l'empire la protection "du Dieu le plus puissant". Chez les chrétiens, le concept d'autorité est associé au mot sacré et à son corollaire dans le pouvoir temporel royal. L'analyse approfondie de la pensée politique chrétienne, nous permet de voir qu'elle intègre le concept grec de mesure et de transcendance et le concept romain de commencement et d'acte fondateur. Ce que les penseurs chrétiens ajoutent, c'est un système élaboré de récompenses et de châtiments pour les faits et les méfaits qui n'ont pas trouvé leur juste appréciation sur terre. La notion même d'Enfer naît aux environs du Ve siècle. Cette notion d'Enfer vient de Platon, pour lequel l'immortalité de l'âme du philosophe était déjà décrite. Elle s'étend pour les chrétiens à l'ensemble des humains. Chez Saint-Augustin, on peut lire de subtiles doctrines définissant avec précision l'enfer, le purgatoire, et le paradis. Pour les chrétiens la théologie, science qui permet d'établir des règles de conduite pour la multitude, ouvre les principes de la science politique. L'introduction du concept d'enfer platonicien renforce l'autorité religieuse à tel point qu'elle pouvait espérer demeurer victorieuse de tous les conflits réguliers. Pour la pensée religieuse, il est d'une ironie terrible que la bonne nouvelle des évangiles : "la vie est éternelle" aboutisse par la suite non à un accroissement de la joie, mais à un accroissement de la peur sur la terre.

Les idées de Machiavel

Le concept même de rupture de l'autorité est contenu dans l'idée politique de révolution. Le premier penseur à se représenter la révolution fut Machiavel. L'ensemble de l'ouvre philosophique de Machiavel, son indifférence à l'égard des jugements et son absence de préjugés rendent l'approche de ses théories diabolique. C'est sans doute plus la forme que le fond qui a contribué à sa réputation. Bien qu'il ne soit pas le père de la science politique, il énonce bon nombre de principes qui sont repris ensuite par des philosophes. Il affirme que dans le domaine public de la politique, les hommes doivent apprendre à "pouvoir n'être pas bons" jamais il a dit: "à être mauvais".

Chez Machiavel la vertu qualité spécifiquement politique n'a ni la connotation morale des romains ni l'essence d'une excellence neutre des Grecs. Son mépris des traditions chrétiennes, vise surtout une église qui a corrompu la vie politique de l'Italie de son siècle. Tout au long de ses oeuvres, Machiavel repousse l'idée séculière de l'église. Il est, dans sa volonté patriotique de fonder une Italie unifiée ayant pour pierre angulaire "l'accord politique éternel", le père fondateur de l'état-nation et de la raison d'état. Comme le fait plus tard Robespierre, Machiavel pense que la fondation est l'action politique centrale et que tous les moyens pour créer cette fondation se justifient. On voit la l'écart qui le sépare d'Aristote et de Platon.

Les révolutions

L'autorité comme on la connaissait jadis, naît de l'expérience romaine de la fondation et des lumières de la philosophie grecque. Nulle part elle n'avait été instituée par les révolutions, ni par le moyen encore moins prometteur de "la Restauration". Le concept de révolution délivrant l'ensemble des hommes ne se retrouve pas dans l'état d'esprit des courants conservateurs qui balaie souvent l'opinion. Seul le contre-exemple de la révolution américaine apportera une nouvelle lumière au concept d'évolution de l'Autorité politique. Sans qu'il soit fait référence à une fondation passée les pères fondateurs ont agi sans violence, à l'aide d'une constitution et ont fondé un accord politique totalement nouveau.

Qu'est-ce que La Liberté

Les origines

Soulever la question de la liberté, essayer de la définir, semble une entreprise désespérée. Tout semble si trouble et l'auteur nous parle même de dilemme logiquement insoluble, de telle sorte qu'en dehors du champ de l'analyse politique, il devient impossible de se représenter la question de la liberté. Hannah Arendt nous ramène aux conceptions antiques de ces idées. La liberté n'a pénétré le champ de la philosophie que très tard, pas avant les premiers philosophes chrétiens. Chez les Grecs le concept de liberté est présent dans la chose politique par "la polis", dans l'action de la cité. Nous retrouvons chez les romains, la question de l'origine. Chez les Grecs l'action est la raison d'être politique de la liberté, et son champ d'expériences.

la liberté intérieure

Cette liberté politique que nous tenons pour évidente, est à l'opposé de la liberté intérieure. Ce sentiment interne ne relève pas de la politique. Les expériences de "liberté intérieure" sont dérivées ou présupposent toujours un repli hors du monde. L'espace intérieur est à l'abri du monde. Cette idée que nous retrouverons chez les philosophes romains de l'empire tardif et chez Saint-Augustin, nous permet de comprendre que l'homme ne saurait rien de la liberté intérieure, s'il n'avait d'abord expérimenté une liberté qui soit une réalité tangible dans le monde.

l'espace public

Nous prenons conscience d'abord de la liberté ou de son contraire dans notre commerce avec les autres. C'est là que nous nous retrouvons en compagnie de l'espace public. Il s'agit d'un monde politiquement organisé où chacun des hommes libres peut s'insérer par la parole et par l'action. Dans l'époque moderne, la montée du totalitarisme, sa revendication à subordonner toutes les sphères de la vie, surtout les droits de la vie privée, nous font douter de la possible coexistence entre politique et liberté, et plus encore de leur compatibilité. Nous sommes enclins à croire que la liberté commence là où la politique finit. Nous nous rapprochons du credo libéral qui dit : "moins il y a politique plus il y a de libertés". Nous retrouverons ces doutes, dès le XVIIe et surtout le XVIIIe siècle chez des philosophes comme Montesquieu ou Hobbes. Pour eux, la liberté n'est pas le but de la politique, mais un phénomène marginal. C'est en quelque sorte la limite que le gouvernement ne doit pas franchir à moins que ne soit en jeu la vie elle-même, ses intérêts immédiats.

la liberté agent de l'action

La liberté s'expérimente essentiellement dans l'action. Nous retrouvons ces idées dans Shakespeare, qui définit le concept de liberté politique d'abord comme celui de liberté "d'être et de faire". "Que cela soit ou nous mourrons" déclare Brutus.

Nous ne voyons la question de la liberté entrer dans la philosophie qu'à partir de l'approche de Saint-Paul ou de Saint-Augustin. Ils introduisent la notion nouvelle de liberté et de libre arbitre, ils établissent une distinction et un décollement entre liberté politique et le libre arbitre individuel que l'on appelle maintenant, liberté individuelle. Nous retrouvons dans ce contexte, l'idée de la domination de la volonté par l'homme pour Saint-Augustin, le "je veux et je ne peux pas" apparaît comme une monstruosité. Platon pensait que "seuls ceux qui savaient se gouverner eux-mêmes avaient le droit de gouverner les autres".

La liberté un miracle ?

Pour terminer son chapitre, l'auteur nous explique que la notion de liberté existe à travers la notion théologique de "miracle". Cette notion s'appuie sur le concept d'improbabilité infinie, qui fera que la terre, l'homme, la vie, toute chose nécessaire à l'existence a été créée. Cette notion fera de l'homme l'acteur essentiel ayant hérité du double don de la liberté et de l'action. C'est cet héritage qui lui permet d'établir une réalité.

La crise de l'éducation

Une idée transversale

Dans les chapitres précédents, Hannah Arendt évoque avec insistance la question de la sphère pré-politique, la place de l'éducation dans la vie de la cité. Elle nous explique combien les phénomènes observables dans l'éducation sont la traduction du paysage, de la pensée politique d'un pays ou d'une civilisation. La question de l'éducation, bien qu'elle s'en défende, est l'enjeu d'un véritable objet intellectuel. Elle insiste beaucoup sur le fait que la pédagogie est une affaire de spécialistes, mais que l'Education relève des philosophes. Dans ce chapitre elle nous montre qu'avant d'enseigner, il faut savoir, et qu'avant de savoir il faut apprendre. Ici le lecteur est confronté à l'ambiguïté d'une pensée qui se veut ouvertement progressiste, et des prises de position que l'on peut apparenter à une pensée conservatrice.

L'Education image du Politique

Pour Hannah Arendt, l'éducation est un germe de la pensée politique car les gens chargés de la dispenser sont là pour cultiver les vecteurs de la transmission. Elle étudie dans la société américaine, la crise qui traverse la structure de l'organisation de l'éducation et les principes qui la gouvernent. Elle nous fait sentir, qu'il ne s'agit pas d'un courant isolé, mais d'un phénomène d'amplitude qui ne tardera pas à submerger l'ancien continent. Elle élabore des réflexions sur la notion de société de masse en refusant d'examiner cette crise de la culture à l'aune des idées préconçues qui traversent les discussions de salon. Une phrase caractérise cette pensée, "une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites".

La crise en Amérique

L'Amérique est un pays neuf, dans lequel le ciment et le peuplement se sont faits par l'immigration. Cette réalité met en lumière la question de la transmission nécessaire à la survie de cette société. Elle s'appuie sur ces principes, pour démontrer que les modifications profondes de l'enseignement américain transcendent les classes sociales et rendent la société plus fragile quand celui-ci ne joue plus son rôle. Elle insiste sur la question de la place respective des anciens et des nouveaux dans la société, en expliquant la différence qui peut exister entre "éduquer et simplement reproduire les choses du passé ce qu'elle appelle "endoctriner".

Quelles sont les causes de la crise

Elle insiste sur "la crise" amenée par les théories pédagogiques les plus modernes en expliquant comment dans une société fondée sur la transmission ces "dérives" ont eu des conséquences terribles. A cause de sa grande résistance aux transformations, l'Europe s'est tenue à l'écart de cette catastrophe. Elle montre bien qu' il s'agit d'une révolution politique ayant un rapport entre le transfert des valeurs et la valeur du passé. Elle dit que: "sans y attacher une idée nostalgique", cette crise finira par arriver aussi en Europe.

La première explication qu'elle donne à cette crise est que la confusion sociologique est amenée par le refus des adultes à considérer les enfants autrement que comme des "petits adultes" ainsi que le laissait sous-entendre Rousseau.

Elle parle de la création d'une société formée "entre les enfants" à partir des règles édictées par les adultes. Elle doit se gouverner elle-même. Elle insiste sur le fait que c'est la pire des choses qui pouvait arriver. L'enfant n'est plus en relation directe avec un adulte, il est confronté à un groupe sans moyen de s'en protéger. Elle réintroduit les notions psychosociologiques
de tyrannie de la majorité
de pression de conformité
d'impossibilité faite à l'enfant de résister à la pression de son propre groupe,

elle dit même que bien peu d'adultes seraient capables de supporter une telle situation.

Sa deuxième idée est celle de la crise de l'enseignement. La pédagogie est devenue une science de l'enseignement en général au point de s'affranchir complètement de la matière enseignée. Caricaturant un peu le cadre actuel, elle déplore avec beaucoup de véhémence que les professeurs chargés de transmettre le savoir, ne peuvent pas le dispenser correctement, car ils ne l'ont pas appris.

Dans la troisième idée, elle déplore le fait que l'enseignement aujourd'hui se charge plus de transmettre "le faire" que "l'appris". Consciente de l'aspect un peu caricatural de cette pensée, elle développe l'idée qu'il ne s'agit pas d'une dérive des enseignants, mais d'une dérive instillée par l'ensemble de la société à travers ses jugements politiques. Elle parle du dévoiement de la notion de jeux et d'apprentissage. Si elle reconnaît que l'une des activités fondamentales de l'enfant est le jeu, elle dénonce le fait que des pseudo pédagogues aient tentés à tout prix de substituer cette notion du jeu à la notion d'apprendre. Elle dénonce l'idée soutenue que l'on ne peut apprendre ou faire apprendre qu'en jouant. Elle explique que le glissement entre l'apprentissage du travail sur le jeu ne s'effectue plus, il en résulte une sacralisation de l'autonomie du monde de l'enfant au détriment du passage vers le Monde.

Crise de l'éducation et rupture avec La Tradition

Après avoir développé ces trois idées, elle explique que ceci est l'aspect émergé d'une crise profonde inversant les valeurs. Elle développe les conséquences qui résultent de "l'abandon" de la sphère privée, lieu protecteur de l'enfance, nécessaire à sa structuration mentale et intellectuelle. Le mélange "privé/public" est préjudiciable, car des êtres humains, en devenir, sont obligés de s'exposer à la lumière de l'existence publique. Ce fait remet en cause les conditions nécessaires à leur développement. Elle dit que le parallèle fait entre "émancipation de la femme et des travailleurs" idée très positive d'une part et émancipation de l'enfant d'autre part, a produit un dérèglement dans le processus vital de la société: la crise de l'éducation. Elle parle de trahison, car les enfants sont encore au stade où le simple fait de vivre et de grandir à plus d'importance que le facteur de la personnalité.

L'école, une voie vers le monde

L'école n'est pas le monde nous dit-elle elle est plutôt une institution qui s'intercale, pour permettre la transition entre la famille et le monde. C'est l'état qui impose la scolarité, l'école représente l'état, ce monde appartient à la sphère politique. Elle analyse à la fois le rapport ambigu et les responsabilités données aux éducateurs et aux enseignants, qui relèvent de la transmission des valeurs et de l'obligation faite à ces derniers d'être des "transmetteurs résistants". Il est implicite que les jeunes, doivent être introduits par les adultes dans un monde en perpétuel changement. La fonction même de l'éducateur ou de l'enseignant, est de transmettre: "voici notre monde".

Le paradoxe qui existe entre le refus adulte de l'autorité, et l'impossibilité faite aux enfants de rejeter l'autorité des éducateurs, est analysé dans le refus de ces derniers à assumer la responsabilité du monde dans lequel ils ont placé les enfants. L'homme moderne ne peut exprimer plus clairement son mécontentement envers le monde, qu'en refusant d'en assumer la responsabilité pour les enfants.

Elle pense que, l'éducation doit être animée par un esprit "conservateur". Elle entend par ce mot, entourer et protéger l'enfant contre le monde des adultes et celui qu'ils ont créé pour les enfants. C'est justement pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant, que l'éducation doit être conservatrice. Elle doit protéger cette nouveauté, et l'introduire "comme un ferment nouveau" dans un monde déjà vieux.

Selon l'auteur, le but de l'école est d'apprendre aux enfants ce qu'est le monde et non pas de leur inculquer l'art d'y vivre. On ne peut éduquer, sans enseigner. L'éducation sans enseignement dégénère en une rhétorique émotionnelle et morale. A ses yeux, il est très facile et naturel d'enseigner sans éduquer.

La crise de la culture

"Je préfère au nom du ciel m'égarer avec Platon plutôt que de voir juste avec ses adversaires".

Avec cette phrase de Cicéron, Hannah Arendt nous indique qu'une personne cultivée devrait être : quelqu'un qui sait choisir ses compagnons parmi les hommes, les choses, les pensées, dans le présent comme dans le passé.

Elle étudie dans ce chapitre, le concept de culture de masse, au regard de celui de société de masse, qu'elle avait déjà développé dans les chapitres précédents. Elle tente de nous montrer comment la culture est en contradiction avec la notion de loisirs. Elle accompagne la dialectique de sa pensée où les choses énoncées le sont au regard de la philosophie politique et non de la solution facile.

Culture de masse

Elle écarte dès le début de ce chapitre les cris et jérémiades de disparition, diminution et d'appauvrissement de l'univers culturel. C'est au regard du développement d'une société de masse dans son acception politique qu'elle énonce, la question de la rupture entre la société classique et la société moderne. La culture n'est pas une question d'âge, d'époque, mais bien une question de sciences. A ses yeux, la période la plus "coincée" est bien le XIXe siècle durant lequel il s'agira d'ajouter "au kitsch une dimension intellectuelle".

Les philistins

Dans les premiers paragraphes elle pense que dans toute société il existe une contradiction entre culture du beau et culture de l'utilitaire. En passant du philistinisme barbare des nouveaux riches de la civilisation américaine au philistinisme culturel des Européens, elle analyse la différence qui existe entre le sens de la culture comme média politique et son débordement actuel comme déterminisme de classe. On retrouve la caricature de ce personnage en Europe dans la cour de Louis XIV, où l'apparence culturelle ne servait qu'à cacher intrigues, divertissements et cabales.

Une rupture dans la culture

La "société de masse", n'est pas un avatar de l'accroissement de la population, mais elle est née de la rupture qui existe entre les sociétés où les populations n'étaient pas intégrées et celles qui n'établissent plus de différence vitales entre les classes sociales. La conséquence de cette évolution est la différenciation économique. Il y a toujours eu rupture, entre l'artiste et la société dans laquelle il vit. L'artiste à l'inverse du philistin ne cherche pas de justification utilitaire à son art. Au fur et à mesure de son évolution, la société se met à intégrer et à monopoliser la culture pour ses fins propres.

L'ouvre est éternelle

En opposition aux créations dont la durée de vie s'amenuise en fonction du développement de la société de masse et de son corollaire la consommation de masse, seul ce qui dure à travers les siècles peut revendiquer d'être un objet culturel. Pour le philistin du XIXe siècle, la chose culturelle est un moyen privilégié d'acquérir une position supérieure dans la société. En transformant la valeur émotionnelle en valeur d' échange, la culture perd son pouvoir initial de nous émouvoir.

Culture et loisirs

Hannah Arendt introduit une nouvelle notion lorsqu'elle parle non plus de culture dans la société de masse mais de la société des loisirs. Il faut établir la différence entre les objets culturels appartenant aux processus vitaux et ceux dans lesquels la culture devient un objet de consommation destiné à être usé. Il ne faut pas confondre culture de masse et diffusion de masse. C'est la réécriture, la condensation, la digestion des objets culturels qu'il les réduit en un état de pacotille. Ce n'est ni le nombre ni la diffusion qui les appauvrit. L'accroissement de la diffusion ne signifie pas que la culture se répande dans les masses, mais qu'elle se trouve détruite pour engendrer le loisir. Le résultat n'est pas une désintégration mais une déchéance. La société de masse assimilée à la société de consommation veut nous persuader qu'en modifiant tous les objets culturels, tous se valent. Alors "Hamlet" pourrait être aussi divertissant que "my fair lady".

La culture qui concerne les objets est un phénomène du monde, le loisir qui concerne les gens est un phénomène de vie. Si la culture se trouve comme appartenant aux processus vital de la société, elle est en danger d'extinction totale. Ainsi si belles que soient, les cathédrales elles n'ont jamais été construites pour en faire exclusivement des lieux de culte. Une utilité directe aurait pu être rendue dans n'importe quelle bâtisse. Leur beauté transcende tout, elle est faite pour durer à travers les siècles. Il faut donc bien établir une frontière importante entre objet d'usage et oeuvre d'art indépendamment de leur image visuelle. Les oeuvres ne sont pas fabriquées pour entrer dans le processus vital elles ne peuvent être consommées. Quand elles se sont éloignées des sphères de la nécessité, elles prennent de l'importance: elles deviennent des oeuvres d'art

Culture et mythes

Le résultat de cette évolution n'est pas dans une société de masse l'apparition d'une culture de masse qui n'existe pas, mais d'un loisir qui se nourrit des objets culturels du monde. En accord avec Roland Barthes et Jean Baudrillard, Hannah Arendt nous explique qu'une société de consommateurs n'est pas capable de savoir se soucier des choses qui appartiennent à l'espace culturel du monde parce que son attitude centrale par rapport à tout objet, implique la ruine de tout ce qu'elle touche.

Culture et histoire

Le terme de culture est d'origine romaine. Il dérive du mot "colerer". Il signifie, prendre soin, entretenir et préserver. Il renvoie primitivement au rapport romain qui existe entre l'homme et la nature. La science des paysages, l'agriculture, est le point de départ, de cette idée chez les Romains. Chez les Grecs l'agriculture n'existe pas. "Ils arrachent aux entrailles de la terre les fruits que les dieux avaient cachés". Pour les Grecs, les arts s'apparentent à la fabrication. Ils pensent, qu'apprécier est une qualité politique nécessaire à la conduite de la cité. L'amour de la beauté, l'amour de la sagesse, est une activité plus hautement considérée que la fabrication. Les Grecs sont les inventeurs de la notion de goût. L'amour de la beauté demeure barbare s'il n'est accompagné par la faculté de juger, de discerner. Rejetant très loin la notion de philistin, les Grecs sont capables d'adorer le bon en rejetant ceux qui se chargent de faire, artistes et artisans car ils ont une conception trop utilitaire de l'objet qu'ils fabriquent.

La place de l'artiste

Athènes ne réussit jamais à régler le conflit entre la politique et l'art. Les Romains n'accorderont jamais aux artistes la dignité propre aux citoyens romains. Nous sommes enclins à soupçonner que c'est dans le domaine politique et la participation aux affaires que l'on retrouvera l'origine du véritable malaise entre l'artiste et la société. Plus qu'envers la société elle-même c'est par rapport à l'activité politique que l'artiste élaborera une méfiance envers les hommes d'actions.

La place de l'Art

Pour Hannah Arendt, il existe une interdépendance entre culture et action politique. Pour paraître, l'ouvre d'art a besoin de l'espace public. Dans le cadre de la vie privée, les objets d'art peuvent être considérés comme des valeurs universelles mais ne peuvent acquérir leur validité. La culture indique que le domaine public, rendu politiquement sûr par des hommes d'actions, offre un lieu de déploiement dont l'essence est de faire apparaître le Beau. L'art et la politique, nonobstant leurs conflits sont liées dans une mutuelle dépendance.

La fonction politique de l'art

Dans "la critique du jugement", Emmanuel Kant nous dit que le goût utilise les mêmes ressorts intellectuels que la capacité de jugement. La relation active au beau, relève des mêmes capacités que l'action politique. Il s'agit de déterminer un impératif catégorique dans lequel l'action doit pouvoir être érigé en loi générale. "Être en accord avec soi-même" est insuffisant pour Kant, il faut être capable de penser à la place de quelqu'un d'autre. Ainsi approche-t- il le principe de législation du concept de goût. Il s'agit de juger, pas d'élaborer un dialogue entre "moi et moi-même". Les opinions deviennent légitimes, quand elles sortent de la sphère privée.

Là se croisent encore la culture et la politique. Le goût comme la capacité de juger, doit sortir de l'arbitraire de l'esthétique et ne peut être traitée hors du domaine politique comme hors de la sphère de la raison. Il nous explique que "par nature", une belle chose aura un caractère public. La décision du beau, rejoint le jugement politique en ce sens qu'elle doit être un lien commun à tous les habitants. De même il existe des classes déterminées par les croyances politiques, de même nous sommes tentés de ranger le goût dans les principes d'organisation d'une société. L'artiste, est un médiateur entre le constructeur et le politique. L'homme de goût est avant tout un esprit libre, à même de gouverner la cité.

Est-il indispensable que le domaine politique soit le lieu des tromperies. Les mensonges sont considérés comme des outils "nécessaires" dans le métier du politicien, du démagogue, serait-ce la vocation de l'homme d'état? L'auteur pose la question: est-il de l'essence même du pouvoir d'être trompeur? est-il de l'essence même de la vérité d'être impuissante? Dans le contexte de l'action politique, la vérité impuissante est plus méprisable que le pouvoir non soucieux de la vérité.

Vérité et politique

La vérité un facteur intangible

Dire la vérité politique, est un facteur intangible de durée pour l'état. Kant pense, qu'elle doit prévaloir dans tous les cas même si "toute la canaille du monde doit mourir". Le droit humain doit prévaloir, sans égard pour la quantité de sacrifices exigée des pouvoirs. De tels propos deviennent de pures chimères dans le contexte du monde politique. Spinoza pense qu'il n'y a pas de plus haute loi que celle de sa propre sécurité. Si nous concevons l'action politique en termes de moyens et de fins concluons que le mensonge peut servir à établir ou à sauvegarder les conditions de la recherche de la vérité.

La vérité objet de conflit

Dans la plupart des états il y a conflit entre vérité et politique. Pour Platon, tant que "le diseur de vérités" ne se mêle pas du monde, il est simplement ridiculisé. Mais, si tous mettent la main sur un tel homme, tous le tuent. Rien ne justifie le mensonge politique même la survie de la cité. Pour les Grecs, la cité est le refuge des philosophes, leur vie humaine n'a ni sens ni valeur hors de la conduite des affaires. Pour Hobbes, une vérité qui ne s'oppose à aucun intérêt ni plaisir humain, reçoit un bon accueil. Il établit l'existence d'une pensée évidente: Celle-ci est respectée même par les tyrans. Il tempère son propos en posant la différence entre "la mise au bûcher des hommes et celle des idées". Que pouvait penser Galilée d'une telle déclaration ?

Le sens de la vérité

Existe-t-il une vérité hors de la liberté? Dans ce paragraphe l'auteur introduit l'idée de vérité des faits et de vérité de la raison. Les chances pour la vérité de survivre à l'assaut du pouvoir sont minces. La politique est le champ d'expression du mensonge personnel et sociétal. Quand Trotski se vit repoussé des encyclopédies, des images et de l'histoire, il comprit que, plus que la vérité, sa vie était en danger. Pour Platon le mensonge est plus grave que la tromperie, celui-ci a son siège dans la vérité. L'auteur détaille la notion de vérité et d'opinion. L'opinion est la vérité du moment, celle de l'instinct. Elle est sujette à des mouvements et dépend du nombre des personnes qui la défendent. La vérité, fût-elle défendue par un seul philosophe, sera toujours la vérité. Spinoza prône la liberté de la pensée non celle de la parole. Kant pense que le pouvoir qui priverait la liberté "de parole" priverait la liberté "de penser". Hannah Arendt analyse la proposition kantienne dans les régimes totalitaires. Il est plus facile et moins dangereux dit-elle d'exprimer des opinions hérétiques que des remarques sur le réel. Mise sur "la place du marché", la vérité devient une opinion et peut subir les mêmes attaques que la parole du philosophe revenant dans l'ombre de la caverne.

La vérité de fait

Il faut distinguer la vérité de fait de celle des opinions. La seconde se nourrit de la première. La vérité de fait fournit des informations à la pensée politique tout comme la vérité rationnelle fournit les siennes à la spéculation philosophique. Au-dessus du philosophe la vérité rationnelle s'impose sans coercition.

La somme des angles d'un triangle est égale à 180 degrés. Cette affirmation rend la persuasion inutile.

Cette vérité sera apportée par l'instruction. Cette dernière entraîne l'inégalité, elle est une forme douce de coercition. La vérité mathématique apparaît comme une vérité despotique. Elle sera haïe des tyrans. Pour Kant, le véritable processus de formation de l'opinion est déterminé par ceux à la place desquels quelqu'un pense. La qualité d'une opinion, aussi bien que d'un jugement, dépend de son degré d'impartialité. La vérité apparaît comme une forme raisonnée, étudiée, de l'opinion. Hors des grecs, cette idée ne pouvait naître que dans une philosophie qui prenait au sérieux le domaine des affaires humaines.

Mentir ou se tromper

Dans un chapitre précédent, l'auteur préfère s'égarer avec Platon plutôt que être d'accord avec ses adversaires, elle préfère être brouillée avec le monde entier qu'en contradiction avec elle-même. Elle reprend l'idée du dialogue silencieux de Platon. Pour le philosophe, cette proposition relative au "mal fait et subi" n'est pas moins contraignante que la vérité mathématiques. Pour Machiavel il faut protéger le domaine public contre le principe de la croyance. Il y voyait, lui, le principe de la foi. Les hommes doivent se soucier peu de ce qui est "bon pour eux-mêmes" dans les affaires du bien public. L'erreur est toujours possible à l'égard de la vérité des faits mais l'important est qu'il existe une autre possibilité que la fausseté délibérée. La recherche de la vérité est en opposition avec l'intérêt personnel. Dans le cas contraire, elle débouchera sur une recherche d'asservissement des opinions sur la scène politique. La substitution systématique de la vérité dans le monde politique n'a pas pour conséquence de remettre en cause le mensonge, mais elle fera douter tous les hommes de la vérité sous toutes ses formes.

Conceptuellement nous pouvons appeler la vérité ce que l'on ne peut pas changer. Métaphoriquement, elle est le sol sur lequel nous nous tenons et le ciel qui s'étend au-dessus de tout.

La conquête de l'espace

La conquête de l'espace nous contraint à raisonner sur l'importance de la place l'homme dans son monde et sur sa relativité dans l'espace. L'analyse de sa place dans le cosmos l'oblige une vision moins anthropomorphique moins ethno-centrée.

les visions de la science moderne

Une victoire de la science moderne a été de s'affranchir de toutes les préoccupations anthropomorphiques présentes jusqu'au XIXe siècle, de s'extraire d'une vision humaniste. Pour le savant, l'homme n'est qu'un observateur de l'univers en ses multiples manifestations. Nous avons appris que l'observation de cet univers échappe à la perception humaine, aux instruments. La physique n'observe plus des phénomènes, des apparences, mais des correspondances, des traces laissées sur nos instruments de mesure. La science qui nous a conduit sur la Lune, ne cherche plus à augmenter et ordonner mais à découvrir ce qu'il y a derrière les phénomènes naturels tels qu'ils se révèlent à nous.

La place de l'homme de sciences

Jusqu'au XXème siècle la fonction des hommes de science est de découvrir, d'approfondir des notions comme la vie de l'homme, la connaissance. Aujourd'hui les origines et débuts initiaux importent peu, seul compte ce qui est derrière les apparences. Sommes-nous dans un monde que seuls les savants comprennent ? Vu dans le prisme des sciences politiques il seront les représentants du petit nombre habilités à régir le "grand nombre". Cette séparation entre profanes et savants est bien loin de la vérité. Ce sont les hommes qui ont purgé la science de tout élément anthropomorphique. Le nouvel univers auquel nous tentons d'accéder n'est pas seulement inaccessible pratiquement, il n'est pas pensable, car il est faux. Penser qu'un cerveau humain ne peut pas comprendre ce que des ordinateurs peuvent faire, est un contresens métaphysique total sur l'idée que la compréhension est une fonction de l'esprit, jamais un résultat automatique de l'intelligence. L'homme de science n'est pas hors de la sphère du profane car il peut faire, avec succès, ce qu'il n'est pas à même de comprendre, ni d'exprimer dans le langage humain courant.

L'homme dans le Monde

L'entreprise scientifique moderne commence avec les pensée sur la place de l'homme. Copernic imagine qu'ils se tiennent sur le soleil. Galilée les cherche dans les étoiles. Einstein ne fait que généraliser cette vue en introduisant un observateur librement en équilibre dans l'espace et non sur un point déterminé. Cette révolution balaie l'idée que "l'univers" est encore un centre. Au XXe siècle l'homme et le scientifique ont perdu contact. Ce n'est pas le savant, mais "le plombier" qui a rétabli le contact perdu entre le monde des sens, des apparences et la vision du monde de la physique. Les techniciens ont fait descendre sur terre les résultats des savants. La conquête de l'espace réveille l'idée que nous devons quitter le monde de nos sens et de nos corps non en imagination mais en réalité. L'observateur en équilibre serait un enfant de l'abstraction et de l'imagination. L'homme confronté "au paradoxe des jumeaux" d'Einstein ne sera plus lié au concept de temps. Cette idée sonne le glas de la "consolation" de Descartes : "je doute donc je suis". En continuant d'expérimenter les techniques de l'espace, le paradoxe du "temps de vie", contraindra l'homme à ne rencontrer que ce qu'il a fabriqué. En dernière analyse, en étudiant, l'homme va vers l l'homme.

La conquête de l'espace et la science se sont périlleusement approchées du point où le formalisme extrême des symboles mathématiques, transcende le comportement humain. Si jamais cette limite devait être atteinte, la dimension de l'homme ne serait pas simplement réduite, elle serait détruite. La construction et la technologie ne sont pas un effort mécanique, mais métaphysique.

Conclusion

"Ce qui l'émeut, émeut. Ce qui lui plaît, plaît. Son heureux goût est le goût du monde".

Lire, Hannah Arendt c'est d'abord vivre et éprouver pour son propre compte ce partage de l'émotion et du plaisir, cette disposition à partager le monde avec ces éternels étrangers qui sont nos semblables.

Cela ne signifie pas que l'on adhère à ses thèses, que l'ont fait sienne ses interprétations, qu'on la suit dans ses avancées théoriques. C'est une expérience très différente et très surprenante. On n'est pas d'accord, on discute pied à pied, on pense que c'est très audacieux et l'on est emporté, ravi. On trouve que c'est imprudent, très péremptoire. Parfois, elle exagère. On ne commente pas Hannah Arendt, on entretient avec elle une conversation parce qu'avec elle, le monde prend la parole.

Elle n'est pas la fantaisie qui pense les choses. Elle instaure la distance qui permet ensuite de revenir à la densité du monde commun. Elle montre dans cet ouvrage combien l'homme est un "animal politique". Elle associe le pouvoir de l'imagination et celui de nous mettre à la place de tout autre, à la faculté virtuelle de "produire le monde commun". L'abandon de ce pouvoir signifiant la perte du Moi, du Monde, de la faculté de penser et d'éprouver.


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