Auteur
dramatique, conteur et romancier, né à Villers- Cotterêts. Fils d`un général de
Napoléon, d` ascendance créole, c`est
d`abord un enfant << laissé très libre>> 15115f524p ;, sinon délaissé; puis un
jeune géant qu`ennuie la vie de clerc chez un avoué. Aussi fait-il jouer à
Paris quelques vaudevilles. Mais bientôt, enhardi par un premier succès, il
aborde le genre pathétique où il ne
tarde pas à porter ombrage à Victor Hugo lui-même: Henri III et sa cour (1829), Antony (1831) et la Tour de Nesle (1832), ouvres sonores où l`intrigue est
compliquée et les personnages simplistes. Ces défauts vont se transformer en
vertus, dès lors que Dumas s`avisera d`abandonner <<l`analyse des
caractères>> pour le roman de cape et d`épée, c`est-a-dire, en somme,
pour le conte.
On a
longtemps méprisé cette partie de son ouvre. Et, par exemple, selon l`édition
scolaire (dite << manuel
illustré>>) de la Littérature
française de Lanson, << ce sont ses pièces de théâtre qui lui valent
une place dans la littérature>> (par chance, moins respectueuse de la
hiérarchie des genres, la célèbre bibliothèque de la Pléiade délaisse à bon
droit les pièces << tragiques
>> de Dumas père et accueille les plus populaires de ses romans ).
Dans ce domaine romanesque, et aidé quant à la << documentation
historique >> ( au surplus, n' affirme-t-il pas qu'il est permis de violer l' Histoire à
condition de lui faire un enfant?)
il va donner au public 257 volumes:
Les Trois Mousquetaires avec ses deux suites, Vingt ans après et le Vicomte de Bragelonne ( 10 volumes en
tout, 1844-1847 ), le Comte de Monte-
Cristo (1845), la
Reine
Margot (1845), la
Dame de Montsoreau (1846), etc. La quantité ne mérite pas seule, ici, notre
admiration, mais encore le style, nerveux, étincelant; l'humeur, enjouée,
chaleureuse, contagieuse, toujours égale ; l`humour, enfin :
nullement aigre et << noir >>, mais énorme, et surtout tonique (la
mode à l`époque du romantisme était au toxique, cependant). Il invente, de pied
en cap, un type de personnage,
fracassant, bavard, grandiose, désintéressé et prodigue de lui-même jusqu`à la
mort, qui va renverser, piétiner ou pourfendre en sa jouant les tortueux
adversaires qui lui barrent la route, et entraîner derrière ses bottes des
meutes de lecteurs.
Dumas mourra à la tâche, glorieux et
pauvre, car il dépensait plus vite qu`il ne gagnait. Durant sa grande période
de fécondité (1840-1855), plusieurs journaux à la fois ont sorti en feuilleton
ses romans; et il a dû courir de l`un à l`autre, tel Napoléon dans sa campagne
de France. A cette vue, le grave Michelet s`écriera: <<Vous êtes une des
forces de la nature >>. Magnanime, il dote, au passage, tel personnage
historique, ou fictif, de ses propres dons: D`Artagnan, Edmond Dantès, etc.
Déjà, naguère, dans un de ses drames, Antony,
maîtrisait, à la seule force de ses biceps, l`attelage de chevaux emballés qui
risquaient d`emporter sa maîtresse à la mort. Mais la plus étonnante de ses
créatures est bien l`énorme et généreux Porthos, qui mourra de façon
exemplaire, en géant bienfaisant qu`il est, dans la grotte de Locmaria :
pour couvrir la retraite d`Aramis et de ses trois
marins fidèles, ne jette-t-il pas sur leurs poursuivants un tonneau de
poudre qu`il vient d`enflammer, et qui doit déterminer inévitablement l`écroulement
sur ses épaules de la grotte ? Mais s`imaginer que tout est fini pour si
peu serait faire injure à un héros de Dumas : L`Hercule réunit ses forces,
et l`on vit les deux parios de cette
prison dans laquelle il était enseveli s`écarter lentement et lui faire
place. Un instant, il apparut, dans cet encadrement de granit, comme l`ange
antique du chaos. (Vicomte de Bragelonne, dernière parte).