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DES SOURCES DU REVENU GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ OU DU REVENU DE L'ÉTAT

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DES SOURCES DU REVENU GÉNÉRAL DE LA SOCIÉTÉ OU DU REVENU DE L'ÉTAT



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Le revenu qui doit pourvoir non-seulement aux dépenses de la défense publique et à celles que demande la dignité du premier magistrat, mais encore à toutes les autres dépenses nécessaires du gouvernement, pour lesquelles la constitution de l'État n'a pas assigné de revenu particulier, peut être tiré, soit, en premier lieu, de quelques fonds qui appartiennent en particulier au souverain ou à la république, et qui soient indépendants du revenu du peuple, soit, en second lieu, du revenu du peuple.

Section première.

Des fonds ou sources du revenu

qui peuvent appartenir particulièrement

au souverain ou à la république.

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Les fonds ou sources de revenu qui peuvent particulièrement appartenir au souverain ou à la république consistent nécessairement ou en capitaux, ou en fonds de terre 

Le souverain, comme tout autre capitaliste, peut retirer un revenu de son capital, soit en l'employant lui-même, soit en le prêtant à d'autres. Dans le premier cas, son revenu consiste en profits; dans le second, en intérêts.

Le revenu d'un chef arabe ou tartare consiste en profits; il provient principale­ment du lait et du croît de ses bestiaux. et de ses troupeaux, dont il surveille lui­ même la direction, étant le premier pasteur ou berger de sa horde ou de sa tribu. Ce n'est cependant que dans ce premier état agreste et informe du gouvernement civil que le profit a jamais pu faire la principale partie du revenu publie d'un État monarchique.

De petites républiques ont quelquefois tiré un revenu considérable de profits provenant d'affaires de commerce. On dit que la république de Hambourg s'en fait un avec les profits d'un magasin de vin et d'une boutique de pharmacie. Ce ne peut pas être un très grand État que celui dont le souverain a le loisir de mener un commerce de marchand de vin ou d'apothicaire.

Le profit d'une banque publique a été une source de revenu pour des États plus considérables; c'est ce qui s'est vu non-seulement à Hambourg, mais encore à Venise et à Amsterdam. Quelques personnes ont même pensé qu'un revenu de cette sorte ne serait pas indigne de l'attention d'un empire aussi puissant que la Grande-Bretagne. En comptant le dividende ordinaire de la banque d'Angleterre à 5 1/2 %, et son capital à 10 780 000 livres, le profit annuel, toutes dépenses de régie prélevées, peut monter, dit-on, à 592 900 livres. Le gouvernement pourrait, à ce qu'on prétend, em­prun­ter ce capital à l'intérêt de 3 %, et en prenant lui-même la régie de la banque, il pourrait faire par an un profit clair de 269 500 livres. L'administration rangée, vigilante et économe d'une aristocratie, telle que celles de Venise et d'Amsterdam, est extrêmement propre, à ce qu'il semble d'après l'expérience, à régir une entreprise de commerce de ce genre. Mais c'est une chose qui ne laisse pas d'être pour le moins beaucoup plus douteuse que de savoir si la conduite d'une pareille affaire peut être confiée avec sûreté à un gouvernement tel que celui d'Angleterre, qui, quels que puissent être d'ailleurs ses avantages, n'a jamais été cité pour sa bonne économie; qui, en temps de paix, s'est en général conduit avec la prodigalité, l'abandon et l'insou­ciance naturelle peut-être aux monarchies, et qui a constamment agi, en temps de guerre, avec tous les excès et l'inconsidération ordinaires aux démocraties.

Les postes sont, à proprement parler, une entreprise de commerce : le gouverne­ment fait l'avance des frais d'établissement des différents bureaux, et de l'achat ou du louage des chevaux et voitures nécessaires, et il s'en rembourse, avec un gros profit, par les droits perçus sur ce qui est voituré. C'est peut-être la seule affaire de commer­ce qui ait été conduite avec succès, je crois, par toute espèce de gouvernement. Le capital qu'il s'agit d'avan­cer n'est pas très-considérable. Il n'y a pas de secret ni de savoir-faire dans une pareille besogne. Les rentrées sont non-seulement assurées, mais elles se font immédiatement.

Les princes cependant se sont souvent engagés dans beaucoup d'autres projets de commerce, et n'ont pas dédaigné de chercher, comme des particuliers, à améliorer leur fortune en courant les hasards de différentes spéculations commerciales de la classe ordinaire; ils n'ont jamais réussi, et il est à peu près impossible qu'il en soit autre­ment avec la prodigalité qui règne communément dans la gestion de leurs affaires. Les agents d'un prince regardent la fortune de leur maître comme inépui­sable; ils né s'embarrassent pas à quel prix ils achètent; ils ne s'inquiètent guère à quel prix ils vendent; ils ne comptent pas davantage ce qu'il leur en coûte pour transporter les marchandises d'un endroit dans l'autre. Ces agents vivent souvent dans la pro­fusion, comme les princes, et quelquefois aussi, malgré toutes ces profusions, et par la manière avec laquelle ils savent régler leurs comptes, ils acquièrent des fortunes de princes. C'est ainsi, à ce que nous dit Machiavel, que les agents de Laurent de Médicis, qui n'était pas un prince dépourvu de talents, menaient son com­merce. La république de Florence fut obligée plusieurs fois de payer les dettes dans lesquelles l'avaient jetée leurs extravagances; aussi trouva-t-il à propos d'aban­donner le métier de marchand, métier auquel sa famille était originairement redevable de sa fortune, et d'employer par la suite ce qui lui restait de cette fortune, ainsi que les revenus publics dont il avait la disposition, à des dépenses et à des entreprises plus dignes du poste qu'il occupait.

Il semble qu'il n'y ait pas deux caractères plus incompatibles que celui du mar­chand et celui de souverain. Si l'esprit mercantile des directeurs de la compagnie des Indes anglaise en fait de très-mauvais souverains, l'esprit de souveraineté paraît aussi les avoir rendus de très-mauvais marchands. Tant qu'ils ne furent que marchands, ils conduisirent leur commerce avec succès, et se virent en état de payer sur leurs profits un dividende honnête à leurs actionnaires. Depuis qu'ils sont devenus souverains, ils se sont vus obligés, avec un revenu qui était originairement, à ce qu'on dit, de plus de 3 millions sterling, d'implorer humblement des secours extraordinaires du gouverne­ment, pour éviter une banqueroute imminente. Dans la première organisation de la com­pagnie, ses facteurs dans l'Inde se regardaient comme des commis de marchands; dans l'organisation actuelle, ses facteurs se regardent comme des ministres de sou­verains.

Un État peut quelquefois composer une partie du revenu publie avec l'intérêt d'une somme d'argent, comme avec les profits d'un capital. S'il a amassé un trésor, il peut prêter une partie de ce trésor, soit à des États étrangers, soit à ses propres sujets.

Le canton de Berne tire un revenu considérable du prêt d'une partie de son trésor aux États étrangers, c'est-à-dire du placement qu'il en a fait dans les fonds publics de différentes nations de l'Europe qui ont des dettes, principalement dans ceux de France et d'Angleterre. La sûreté d'un tel revenu dépendra de plusieurs conditions : 1º de la sûreté des fonds dans lesquels il est placé, et de la bonne foi du gouvernement qui a le maniement de ces fonds; 2º de la certitude ou au moins de la probabilité qu'on restera en paix avec la nation débitrice. Dans le cas d'une guerre, il pourrait bien se faire que le premier de tous les actes d'hostilité, de la part de la nation débitrice, fût une confiscation des fonds du créancier. Cette mesure politique, de prêter de l'argent aux États étrangers, est, autant que je puis savoir, particulière au canton de Berne.

La ville de Hambourg  a établi une espèce de bureau de prêt publie, qui prête de l'argent aux sujets de l'État, sur des gages, à l'intérêt de 6 %. Ce bureau de prêt ou lom­bard, comme on l'appelle, rapporte à l'État, à ce qu'on prétend, un revenu de 150 000 écus, qui, à 4 schellings 6 deniers pièce, font 33 730 livres sterling.

Le gouvernement de Pensylvanie, sans amasser de trésor, trouva une manière de prêter à ses sujets, non pas de l'argent, à la vérité, mais ce qui équivaut à de l'argent. Il avança à des particuliers, à intérêt et sur des sûretés en biens-fonds de la valeur du double, des papiers de crédit ou billets d'État, remboursables dans les quinze années de leur date, transmissibles néanmoins de main en main, comme des billets de banque, et qui étaient déclarés, par un acte de l'assemblée, offres légales de payement pour toutes dettes entre habitants de la province. Par là, il se fit un petit revenu qui ne laissa pas que d'avancer considérablement le payement des dépenses annuelles de ce gouvernement réglé et économe, dont toutes les charges ordinaires allaient à environ 4 500 livres. Le succès d'une ressource de ce genre a dû dépendre de trois différentes circonstances : 1º du besoin d'un instrument de commerce outre l'or et l'argent circulant, ou de la, demande d'un capital en choses consommables, tel qu'on n'ait pu se le procurer sans envoyer au dehors, pour l'acheter, la plus grande partie de l'or et de l'argent du pays; 2º du bon crédit du gouvernement, qui s'est servi de cette res­source; 3º de la modération avec laquelle on en fait usage, la valeur totale de ces billets de crédit n'ayant jamais excédé celle de la monnaie d'or et d'argent qui eût été nécessaire pour faire marcher la circulation, s'il n'y eût pas eu de billets. La même ressource a été adoptée en différentes occasions, par plusieurs autres colonies américaines; mais, faute de cette modération, elle a produit, dans la plupart de ces colonies, plus de désordres que d'avantages.

Toutefois, la nature mobile et périssable du crédit et des capitaux ne permet pas qu'on puisse s'en reposer sur eux pour former la principale base de ce revenu assuré, solide et permanent, qui seul peut donner au gouvernement de la sécurité et de la dignité. Aussi ne parait-il pas que, parmi les grandes nations avancées au delà de l'état pastoral, le gouvernement ait jamais fondé sur de pareilles ressources une grande partie du revenu publie.

La terre est un fonds d'une nature plus stable et plus permanente, et en consé­quence une rente de terres a formé souvent la principale source du revenu publie, chez de grandes nations qui avaient déjà dépassé de fort loin l'âge des peuples pasteurs. Les républiques anciennes de la Grèce et de l'Italie ont pendant longtemps tiré, du produit ou de la rente des terres publiques, la majeure partie du revenu qui fournissait aux dépenses nécessaires de l'État. Les rentes de terres de la couronne ont constitué, pendant longtemps, la plus grande partie du revenu des anciens souverains de l'Europe.

La guerre et les préparatifs de guerre sont les deux circonstances qui occasion­nent, dans les temps modernes, la plus grande partie de la dépense nécessaire à tous les grands États. Mais, dans les anciennes républiques de la Grèce et de l'Italie, tout citoyen était soldat, et c'était à ses propres dépens qu'il servait et qu'il se préparait à servir. Ainsi, aucune de ces deux circonstances ne pouvait occasionner de dépense considérable pour l'État. La rente d'un domaine très-modique pouvait largement suffire à couvrir toutes les autres dépenses du gouvernement.

Dans les anciennes monarchies de l'Europe, les mours et les usages des temps préparaient suffisamment à la guerre la masse des sujets; et quand ils entraient en campagne, d'après la nature des services féodaux auxquels ils étaient obligés, ils devaient ou s'entretenir à leurs frais, ou être entretenus aux frais de leurs seigneurs immédiats, sans occasionner au souverain aucune nouvelle charge. Les autres dépen­ses du gouvernement étaient pour la plupart très-modiques. On a vu que l'admi­nistra­tion de la justice, au lieu d'être une cause de dépense, était une source de revenu. Trois journées de travail des gens de la campagne avant la moisson, et trois journées après, étaient regardées comme un fonds suffisant pour la construction et l'entretien de tous les ponts, grandes routes et autres travaux publics, que le com­merce du pays était censé exiger. Dans ces temps-là, la principale dépense du souverain consistait, à ce qu'il semble, dans l'entretien de sa maison et des personnes de sa suite; aussi les officiers de sa maison étaient-ils alors les grands officiers de l'État : le grand-trésorier recevait ses rentes; le grand-maître et le grand-chambellan présidaient à sa dépense domestique : le soin de ses étables et écuries était confié au grand-connétable et au grand-maréchal. Ses maisons étaient toutes bâties en forme de châteaux forts, et étaient, à ce qu'il semble, les principales forteresses qu'il possédât; les gardiens ou concierges de ces maisons ou châteaux pouvaient être regardés comme des espèces de gouver­neurs militaires, et il paraît que c'étaient les seuls officiers militaires qu'il fallût entretenir en temps de paix. Dans un tel état de choses, la rente d'un vaste domaine pouvait très-bien, dans les circonstances ordinaires, défrayer toutes les dépenses nécessaires du gouvernement.

Dans l'état actuel de la plupart des monarchies civilisées de l'Europe, la rente de la totalité des terres du pays, régies comme elles le seraient vraisemblablement si elles appartenaient toutes à un seul propriétaire, monterait peut-être à peine au revenu ordinaire qu'on lève sur le peuple, même dans les temps de paix. Par exemple, le revenu ordinaire de la Grande-Bretagne, y compris non-seulement ce qui est néces­saire pour pourvoir à la dépense courante de l'année, mais encore ce qu'il faut pour payer l'intérêt de la dette publique et pour amortir une partie du capital de cette dette, se monte à plus de 10 millions par année. Or, la taxe foncière, à 4 schellings par livre, ne va pas à 2 millions par an. Cette taxe foncière, comme on l'appelle, est cependant censée faire le cinquième, non-seulement de la rente de toutes les terres, mais encore de celle de toutes les maisons, et de l'intérêt de tous les capitaux, à l'exception seulement de ceux prêtés à l'État et de ceux employés, comme capital de fermier, à la culture des terres. Une partie très considérable du produit de cette taxe procède de loyers de maisons et d'intérêts de capitaux. La taxe foncière de la cité de Londres, par exemple, à 4 schellings par livre, monte à 123 399 livres 6 schellings 7 deniers; celle de la cité de Westminster, à 63 092 livres 1 schelling 5 deniers; celle des palais de Whitehall et de Saint-James, à 30 754 livres 6 schellings 3 deniers. Il y a de même une certaine portion de la taxe foncière, assise sur toutes les autres cités et villes incorporées du royaume, et qui provient presque tout entière ou de loyers de maisons, ou de ce qui est censé être l'intérêt de capitaux prêtés ou placés dans le commerce. Ainsi d'après l'évaluation sur laquelle la Grande-Bretagne est imposée à la taxe foncière, la somme totale des revenus provenant des rentes de toutes les terres, de celles de toutes les maisons et de l'intérêt de tous les capitaux, en en exceptant seulement ce qui est ou prêté à l'État, ou employé à la culture de la terre, n'excède pas 10 millions sterling par année, le revenu ordinaire que le gouvernement lève sur le peuple, encore dans le temps de paix. Il est bien vrai que l'évaluation sur laquelle la Grande-Bretagne est imposée à la taxe foncière est, en prenant la totalité du royaume en masse, de beaucoup au-dessous de la véritable valeur, quoique, dans plusieurs comtés et districts particuliers, elle soit à très peu de chose près, à ce qu'on dit, portée à son véri­table taux. La seule rente des terres, sans y comprendre les loyers des maisons ni les intérêts de capitaux, a été estimée par plusieurs personnes à 20 millions; estima­tion faite en grande partie au hasard, et qu'on peut supposer, à ce. que j'imagine, aussi bien au-dessus qu'au-dessous de la vérité. Mais, si les terres de la Grande-Bretagne, dans l'état actuel de leur culture, ne rapportent pas une rente de plus de 20 millions par an, elles pourraient bien ne pas rapporter la moitié, très probablement même pas le quart de cette rente, si elles appartenaient toutes à un seul propriétaire, et qu'elles fussent mises sous la régie insouciante, dispendieuse et oppres­sive de ses agents et préposés. Les terres du domaine de la couronne de la Grande-Bretagne ne rapportent pas actuellement le quart de la rente qu'on pourrait probablement leur faire rendre si elles étaient en propriétés particulières. Si les terres de la couronne étaient plus étendues, il est probable qu'elles seraient encore plus mal régies.

Le revenu que le corps entier du peuple retire de la terre est en raison, non de la rente de la terre, mais de son produit. La totalité du produit annuel des terres de chaque pays, si on en excepte ce qui est réservé pour semences, est ou annuellement consommée par la masse du peuple, ou échangée contre quelque autre chose qui est consommée par elle. Tout ce qui tient le produit de la terre au-dessous du point où il serait monté sans cela, diminue le revenu de la masse du peuple, encore plus qu'il ne diminue celui des propriétaires de terres. La rente de la terre, cette portion du produit qui appartient aux propriétaires, n'est pas censée excéder de beaucoup, en quelque endroit que ce soit de la Grande-Bretagne, le tiers du produit total. Si la terre qui, dans tel état de culture, rapporte une rente de 10 millions sterling par an, pouvait, avec une autre culture, rapporter une rente de vingt (la rente étant dans l'un et l'autre cas, supposée former le tiers du produit), le revenu des propriétaires serait seulement de 10 millions par an moindre de ce qu'il eût été dans ce meilleur état de culture; mais le revenu de la masse du peuple serait de 30 millions moindre de ce qu'il pourrait être, sauf à déduire seulement la valeur des semences. La population du pays serait moindre de tout le nombre d'hommes que 30 millions par an (déduisant toujours les semences) pourraient faire subsister, selon la manière de vivre et de consommer usitée parmi les diverses classes de gens entre lesquelles le reste se distribuait.

Quoiqu'il n'y ait actuellement en Europe aucun État civilisé, de quelque nature qu'il soit, qui tire la plus grande partie de son revenu publie de rentes de terres appar­tenant à l'État, cependant, dans toutes les grandes monarchies de l'Europe, il reste encore beaucoup de vastes étendues de terrain qui sont la propriété de la couronne. Ce sont en général des forêts et des forêts quelquefois où vous pourriez voyager plusieurs miles sans y trouver à peine un seul arbre; autant de pays vraiment désert et absolument perdu, aux dépens du produit national ainsi que de la population. Dans chacune des grandes monarchies de l'Europe, la vente des terres de la couronne pro­duirait une très-grosse somme d'ar­gent, qui, appliquée au payement de la dette publique, pourrait dégager de toute hypo­thèque une portion de revenu infiniment plus grande que ces terres n'en ont jamais rapporté à la couronne. Dans les pays où les terres en grande valeur et dans le meilleur état de culture, qui produisent, au moment de la vente, à peu près le plus fort revenu qu'elles puissent rendre, sont communément vendues au denier 30, on pourrait bien s'attendre que les terres de la couronne, point améliorées, mal cultivées et affermées à si bas prix, se vendraient aisément au denier 40, 50 ou même 60. La couronne se trouverait immédiatement en jouissance du revenu que l'argent de cette vente servirait à dégager de toute hypothèque. Au bout de quelques années, elle aurait encore acquis un autre revenu. Quand ces terres seraient devenues des propriétés particulières, elles seraient, au bout de peu d'années, des terres en valeur et bien cultivées. L'accroissement de produit qui en résulterait augmenterait la population du pays, en ajoutant au revenu du peuple et à ses moyens de consommation. Or, le revenu que retire la couronne des droits de douane et de ceux d'accise grossirait nécessairement avec le revenu et la consommation du peuple.

Quoique le revenu que la couronne tire de ses domaines fonciers, dans une monarchie civilisée, ne paraisse rien coûter aux particuliers, c'est peut-être pourtant, dans le fait, celui de tous les revenus dont elle jouit, qui, à égalité de produit, coûte le plus cher à la société. Ce serait, dans tous les cas, l'intérêt de la nation de remplacer ce revenu à la couronne par quelque autre revenu égal, et de partager ces terres entre des particu­liers; ce qui ne pourrait peut-être se faire mieux qu'en les mettant publiquement à l'enchère.

Les seules terres qui devraient, à ce qu'il semble, appartenir à la couronne, dans une grande monarchie civilisée, ce sont les terres destinées à la magnificence et à l'agrément, telles que les parcs, jardins, promenades publiques, etc., toutes posses­sions qui sont regardées partout comme objets de dépense, et non comme source de revenu.

Ainsi, des capitaux ou des domaines publics (les deux seules sources de revenu qui puissent appartenir, comme propriété particulière, au souverain ou à la républi­que), étant les uns et les autres des moyens aussi impropres qu'insuffisants pour couvrir les dépenses ordinaires d'un grand État civilisé, il en résulte que ces dépenses doivent nécessairement être, pour la majeure partie, défrayées par des impôts d'une espèce ou d'une autre, au moyen desquels le peuple, avec une partie de ses propres revenus particuliers, contribue à composer au souverain ou à l'État ce qu'on nomme un revenu public.

Deuxième section.

Des impôts.

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On a vu, dans le premier livre de ces Recherches, que le revenu particulier des individus provient, en dernier résultat, de trois sources différentes : la rente, les profits et les salaires. Tout impôt doit, en définitive, se payer par l'une ou l'autre de ces trois différentes sortes de revenus, ou par toutes indistinctement. Je tâcherai d'exposer, du mieux qu'il me sera possible, les effets, 1º de ces impôts qu'on a intention de faire porter sur les rentes; 2º de ceux qu'on a intention de faire porter sur les profits; 3º de ceux qu'on veut faire porter sur les salaires, et 4º de ceux qu'on veut faire porter indistinc­tement sur toutes ces trois différentes sources de revenu particulier.

L'examen séparé de ces quatre différentes espèces d'impôts divisera cette seconde section du présent chapitre en quatre articles, trois desquels exigeront plusieurs autres subdivisions.

On verra, par l'examen qui va suivre, que plusieurs de ces impôts ne sont pas supportés, en définitive, par le fonds ou la source du revenu sur lequel on avait eu l'intention de les faire porter.

Avant d'entrer dans l'examen de ces impôts en particulier, il est nécessaire de faire précéder la discussion par les quatre maximes suivantes sur les impôts en général.

Première maxime - Les sujets d'un État doivent contribuer au soutien du gouver­nement, chacun, le plus possible, en proportion de ses facultés, c'est-à-dire en proportion du revenu dont il jouit sous la protection de l'État.

La dépense du gouvernement est, à l'égard des individus d'une grande nation, comme les frais de régie sont à l'égard des copropriétaires d'un grand domaine, qui sont obligés de contribuer tous à ces frais à proportion de l'intérêt qu'ils ont respec­tivement dans ce domaine. Observer cette maxime ou s'en écarter, constitue ce qu'on nomme égalité ou inégalité dans la répartition de l'impôt. Qu'il soit, une fois pour toutes, observé que tout impôt qui tombe en définitive sur une des trois sortes de revenus seulement, est nécessairement inégal, en tant qu'il n'affecte pas les deux autres. Dans l'examen suivant des différentes sortes d'impôts, je ne reviendrai guère davantage sur cette espèce d'inégalité, mais je bornerai le plus souvent mes observa­tions à cette autre espèce d'inégalité qui provient de ce qu'un impôt particulier tombe d'une manière inégale même sur le genre particulier de revenu sur lequel il porte.

Deuxième maxime. - La taxe ou portion d'impôt que chaque individu est tenu de payer doit être certaine, et non arbitraire.

L'époque du payement, le mode du payement, la quantité à payer, tout cela doit être clair et précis, tant pour le contribuable, qu'aux yeux de toute autre personne. Quand il en est autrement, toute personne sujette à l'impôt est plus ou moins mise à la discrétion du percepteur, qui peut alors, ou aggraver la taxe par animosité contre le contribuable, ou bien, à la faveur de la crainte qu'a celui-ci d'être ainsi surchargé, extorquer quelque présent ou quelque gratification. L'incertitude dans la taxation autorise l'insolence et favorise la corruption d'une classe de gens qui est naturellement odieuse au peuple, même quand elle n'est ni insolente ni corrompue. La certitude de ce que chaque individu a à payer est, en matière d'imposition, une chose d'une telle importance, qu'un degré d'inégalité très-considérable, à ce qu'on peut voir, je crois, par l'expérience (le toutes les nations, n'est pas, à beaucoup près, un aussi grand mal qu'un très-petit degré d'incertitude.

Troisième maxime. - Tout impôt doit être perçu à l'époque et selon le mode que l'on peut présumer les plus commodes pour le contribuable.

Un impôt sur la -rente des terres ou le loyer des maisons, payable au même terme auquel se payent pour l'ordinaire ces rentes ou loyers, est perçu à l'époque à laquelle il est à présumer que le contribuable peut plus commodément l'acquitter, ou quand il est le plus vraisemblable qu'il a de quoi le payer. Tout impôt sur les choses consom­mables qui sont des articles de luxe, est payé en définitive par le consommateur, suivant un mode de payement très-commode pour lui. Il paye l'impôt petit à petit, à mesure qu'il a besoin d'acheter ces objets de consommation. Et puis, comme il est le maître d'acheter ou de ne pas acheter ainsi qu'il le juge à propos, ce sera nécessai­rement sa faute s'il éprouve jamais quelque gêne considérable d'un pareil impôt.

Quatrième maxime. - Tout impôt doit être conçu de manière qu'il fasse sortir des mains du peuple le moins d'argent possible au delà de ce qui entre dans le Trésor de l'État, et en même temps qu'il tienne le moins longtemps possible cet argent hors des mains du peuple avant d'entrer dans ce Trésor.

Un impôt peut, ou faire sortir des mains du peuple plus d'argent que ne l'exigent les besoins du Trésor publie, ou tenir cet argent hors de ses mains plus longtemps que ces mêmes besoins ne l'exigent, de quatre manières, savoir : - 1º la perception de l'impôt peut nécessiter l'emploi d'un grand nombre d'officiers dont les salaires absorbent la plus grande partie du produit de l'impôt, et dont les concussions person­nelles établissent un autre impôt additionnel sur le peuple; - 2º l'impôt peut entraver l'industrie du peuple et le détourner de s'adonner à de certaines branches de commer­ce ou de travail, qui fourniraient de l'occupation et des moyens de subsistance à beaucoup de monde. Ainsi, tandis. que d'un côté il oblige le peuple à payer, de l'autre il diminue ou peut-être anéantit quelques-unes des sources qui pourraient le mettre plus aisément dans le cas de le faire; - 3º par les confiscations, amendes et autres peines qu'encourent ces malheureux qui succombent dam les tentatives qu'ils ont faites pour éluder l'impôt, il peut souvent les ruiner et par là anéantir le bénéfice qu'eût recueilli la société de l'emploi de leurs capitaux. Un impôt inconsidérément établi offre un puissant appât à la fraude. Or, il faut accroître les peines de la fraude à proportion qu'augmente la tentation de frauder. La loi violant alors les premiers principes de la justice, commence par faire naître la tentation, et punit ensuite ceux qui y succom­bent; et ordinairement elle enchérit aussi sur le châtiment, à proportion qu'augmente la circonstance même qui devrait le rendre plus doux, c'est-à-dire la tentation de commettre le crime. - 4º L'impôt, en assujettissant le peuple aux visites réitérées et aux recherches odieuses des percepteurs, peut l'exposer à beaucoup de peines inutiles, de vexations et d'oppressions; et quoique, rigoureusement parlant, les vexations ne soient pas une dépense, elles équivalent certainement à la dépense au prix de laquelle un homme consentirait volontiers à s'en racheter.

C'est de l'une ou de l'autre de ces quatre manières différentes, que les impôts sont souvent onéreux au peuple, dans une proportion infiniment plus forte qu'ils ne sont profitables au souverain.

La justice et l'utilité évidente des quatre maximes précédentes ont fait que toutes les nations y ont eu plus ou moins égard. Toutes les nations ont fait de leur mieux pour chercher à rendre leurs impôts aussi également répartis, aussi certains, aussi commodes pour le contribuable, quant à l'époque et au mode de payement, et aussi peu lourds pour le peuple, à proportion du revenu qu'ils rendaient au prince, qu'elles ont pu l'imaginer.



Voyez Mémoire concernant les droits et impositions en Europe, tome 1er, page 75. Cet ouvrage est une compilation faite par ordre de la cour pour servir à une commission créée. il y a quelques années. à l'effet de rechercher les moyens convenables de reformer les finances de France. L'état des impôts de la France, qui remplit trois volumes in-4º, peut être regardé comme parfaitement authentique; celui des impositions des autres nations de I'Europe a été compilé d'après les informations qu'ont pu se procurer les ministres français auprès des différentes cours; il est beaucoup plus court, et probablement il n'est pas tout à fait aussi exact que celui des impôts de la France. (Note de l'auteur.)

Voyez Mémoires concernant les droits el impositions. tome 1er, page 73.


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